Premier album de ce trio de Denver, Colorado, Sleepworks est un manifeste, à commencer par son titre et sa couverture. Ses dix titres sont autant de rêveries qui semblent s’être subrepticement échappées de l’esprit encore embrumé de Kael Smith, Mat Heron et Jme. Des guitares délicatement pincées ou glissées tissent des draperies soyeuses sous lesquelles se faufile la voix un peu absente de Kael Smith, le tout saupoudré de touches electro qui avancent sur la pointe des pieds. On se tourne spontanément vers Radar Bros tant cette pop douce et mélancolique visite les mêmes grands espaces imaginaires, à peine dérangés par quelques grondements de tonnerre lointain, symbolisés par de simples claviers à peine plus sollicités que d’habitude. Toutefois, cet essai inaugural, dénué de l’effet floydien des disques des frères Radar, n’a pas non plus leur élégance. Khale s’empêtre dans un désir de démonstration un peu trop soutenu. Un peu comme si le groupe semblait nous dire : « regardez comme on est romantiques ». Cette absence de distance plombe une volonté évidente de (trop) bien faire. Le gros des efforts est porté sur une production qui se veut parfaite, malheureusement au détriment des chansons elles-mêmes. Peu ou pas de souffle mélodique, aucune présence vocale (toujours le même murmure), et encore moins d’émotion sincère. Finalement, c’est un peu comme si Khale dirigeait une fabrique d’émotions, avec une machine-outil dernier cri, des ouvriers triés sur le volet, pour une productivité optimale. L’effet est garanti, tant que l’emballage n’est pas ouvert. Au moment de jouir des plaisirs de cette musique, l’auditeur est très vite confronté à ce manque cruel de personnalité. Sleepworks est ainsi un disque bien pensé, brillamment joué, mais à l’impact nul. Et généralement, dans ces cas-là, on débranche et on finit par se rendormir. Dans le silence.
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