À l’heure des bilans de fin d’année, retour in extremis sur le dernier album de Windsor For The Derby, How We Lost.
Décembre annonce, pour la majorité des chroniqueurs de rock, un joyeux exercice de brainstorming visant à départager les albums hors du commun — une petite dizaine par convention — de ceux, plus nombreux, trop timorés pour figurer dans LA liste. Avant d’attaquer ces réjouissances de fin d’année, il s’agit, quand c’est possible, de rattraper une bévue, de briser le silence au sujet d’un disque passé inaperçu. How We Lost, du groupe texan d’adoption Windsor For The Derby, est un de ceux-là. Loin de révolutionner les classements tant attendus, il mérite un peu de notre attention, avant que l’année balbutiante — et la foule de sorties qui s’annonce — ne le fasse injustement tomber dans l’oubli.
Replongeons-nous dans les strates brumeuses de Giving Up The Ghost (2005), leur précédent opus : chaque détail mélodique est pensé, travaillé, ajusté. C’est après trois ans de ce travail acharné — et deux rééditions — que les Windsor For The Derby reviennent, avec cette touche d’autodérision qui les pousse à intituler leur présent album How We Lost. « Rendre l’âme » était le programme du précédent album, la « défaite » est donc visiblement l’objet de celui-ci. Étonnant dès lors qu’on écoute cet album pacifié et plutôt lumineux, comme le suggère timidement la pochette naïve où quelques rayons diffractés diffusent leurs couleurs à travers les nuages. Il confirme juste le goût qu’a le groupe pour le second degré.
Certes, l’ouverture “Let Go” distille suffisamment de mystère pour qu’on ne remarque pas tout de suite les changements infinitésimaux qui vont peu à peu extraire WFTD de la noirceur. Une fois encore, la section rythmique est manifestement empruntée à Joy Division : les coups sourds de la grosse caisse, égrenés par groupes de trois, sont bientôt soutenus par une pulsation rapide et un clavier au rendu aussi spartiate qu’entêtant.
Suite à cette introduction captivante, WFTD s’ouvre progressivement à nous. C’est d’abord “Maladies” qui s’avance, un morceau dans lequel les acolytes de Dan Matz nous gratifient même de quelques « palalalala » sur un refrain accrocheur. La filiation avec Yo La Tengo se précise un peu plus au fil de cet album où le son des guitares, saturées mais comme à peine effleurées, rappelle la patte irrésistible de nos chers musiciens d’Hoboken. Un interlude expérimental plus tard, WFTD poursuit la comparaison un peu plus loin en ajoutant quelques choeurs féminins lancinants.
Sur “Hold On”, Dan Matz vole la batterie aux gentils Belle & Sebastian et accomplit un joli titre pop, avec suffisamment d’épaisseur pour rester hypnotique. “Forgotten” voit le groupe opter avec classe pour une formule acoustique plus épurée, qu’une simple lead-guitar rehausse par instants. “Good Things” perpétuera d’ailleurs cette respiration, fournissant une nouvelle illustration musicale de la langueur.
Mais c’est véritablement “What We Want” qui donne à How We Lost son intérêt. Un mille-feuilles passionnant — clavier, mélodica, percussions, guitares, larsen — dont émerge la timide voix de Dan Matz, bientôt doublée par des choeurs.
Toute la complexité de Windsor For The Derby se trouve, avec cet album, comme éclairée pleins phares. Et malgré l’éblouissement des premiers instants, cette mise en lumière n’est pas qu’une réplique criarde de leurs précédents opus.
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