Pygmalion de la scène electro rock parisienne, Juan Trip avait semé le trouble sur les écrans radars en 2006 avec l’ovni Consolation, spectaculaire baroud psychédélique qui voyait monter simultanément au front la surf music solitaire de Jack Nietzsche, l’overdose californienne, les incantations mystiques du fou génial Jodorowky, l’empreinte futuriste de F-Com, les Stones de Brian Jones et les transes electro visionnaires des Silver Apples, Hawkind… et bien d’autres choses stupéfiantes (au sens propre comme figuré). En termes de chiffre, Consolation était déjà une somme gargantuesque du haut de ses 56 minutes, taillée en 16 plages. Fireplace surenchérit. Les limites du format CD sont poussées dans leurs derniers retranchements (72 minutes, 20 plages). Ce serait une suite identique à Consolation si son géniteur, dans un excès mégalo, ne lui avait greffé quelques excroissances impossibles. Fireplace est sans doute trop long, rempli de pistes qui relèvent de tout sauf de l’essentiel, comme on pouvait en enregistrer dans les années 70, mais il en était ainsi à l’époque (l’acide blues “You’re Right, Just a Feeling”). Par moment tout de même, on se demande si dans son trip intergalactique, Juan ne se serait pas joué de nous en changeant simplement les titres des morceaux qui figuraient sur l’odyssée cosmique précédente. Mais l’on cède pourtant encore à ses pilules qui nous placent en apesanteur à l’écoute de “Florida”, bande son d’un hypothétique épisode de Dirty Harry dans un San Francisco apocalyptique. Et puis les grands classiques sont célébrés sans mépris : ce n’est pas “Be My Blue” qui jettera la pierre aux Stones, ni “She’s on Trip”, chanson à sitar dans la pure tradition harrisonienne. Depuis sa jeunesse hippie, Juan Trip a traversé plusieurs vies, et ce disque en est le reflet. Dans une société où tout nous entraîne à toujours consommer plus vite, et alors que le format court est privilégié aux albums, Juan Trip, lui, lance à la terre un gros doigt d’honneur.

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