Les inclassables allemands visent désormais les charts. Mais perdent un peu de leur fierté en route. Demeure quand même ce groupe atypique et délicieusement loufoque que l’on a toujours plaisir à retrouver.
Et de huit… On n’aurait pas donné cher de la bande à Doc Wenz il y a un peu plus de 10 ans quand parut, sur nos platines et jamais bien loin d’un zinc collant, Alligator Soup. Disque fourre-tout, orgie de soul sudiste chantée par de gros lourdauds feignant la componction pour mieux appuyer le délire caché derrière le pavillon du soubassophone. Autre surprise, c’est d’Allemagne que nous venait cette troupe brinquebalante, vouant un culte sans borne à la bibine et la bidoche. Seulement voilà, derrière leurs dégaines de bikers un jour de carnaval se camouflaient de solides gaillards, armés d’un bagage musical plus que conséquent, et surtout bosseurs comme pas deux. Et deux petites années après le subtil The Exile Itch, Mardi Gras Brass Band, devenu depuis quelques temps Mardi Gras.BB après moult réorganisations, revient avec un nouvel opus rendant cette fois hommage à la science-fiction filmée d’avant les ordinateurs, avec les effets qui font zouib-piuuuuuuuiiiii-tchii dans un éclair vert approximatif.
My Private Hadron, censé évoquer les dernières avancées de la physique nucléaire, ne déroge a priori pas vraiment à la feuille de route que s’était imposé le groupe au départ de l’aventure. Cuivres pléthoriques, voix crevée et mélodies à l’emporte pièce constituent toujours le squelette de la troupe. Avec toutefois une belle entorse, la grande place donnée à une rythmique rock traditionnelle (guitare/basse/batterie) au détriment du cultissime soubassophone abandonné sur une aire d’autoroute entre Mannheim et Saint-Louis depuis quelques années déjà… My Private Hadron ne répond pour autant pas aux canons de la soul traditionnelle ou du folk festif de certaines contrées perdues du sud des States tant l’irrévérence est ici le maître-mot. Toujours ces montages rocambolesques, ces artifices pas trop catholiques (les voix célestes et un tantinet avinées de “The Hunchback”), et ces paroles qui n’ont un sens que si l’on conçoit de vivre dans une fiction.
A bien y réfléchir, on sent toutefois un changement profond subrepticement opérer. Ces relents rock de plus en plus odorifères et persistants chez les concitoyens de la Grosse Bertha constituent une vraie révolution (au sens littéral du terme) chez eux. En rentrant dans les rangs avec ces arrangements plus conventionnels, Mardi Gras.BB se rapproche dangereusement du gros des troupes et malheureusement s’éloigne du pré carré qu’eux seuls avaient droit de fouler. Et perd un peu de son âme au passage. On décèle comme un léger essoufflement, une certaine saturation, sentiment diffus conforté par la longueur inhabituelle du disque (15 titres), comme si Doc Wenz et Reverend Krug, les deux âmes damnées du combo, souhaitaient camoufler un cruel manque d’inspiration par une surproduction suspecte.
Reste que Mardi Gras.BB peut se permettre de décevoir sur disque tant ses prestations scéniques sont toujours aussi délirantes, et même puissantes. Donc, si My Private Hadron flotte souvent, on décèle derrière l’orage gronder et le geyzer de bière menacer de crever la scène. Et pour ceux qui suivent, une très bonne nouvelle : DJ Mahmut est toujours de la partie…
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