Reformé sous son line up originel, le trio mastodonte du rock alternatif US remontait les potards à 10. Ô joie ! Cette deuxième volée de bruit blanc laissera vos esgourdes euphoriques et à sang.


Bonne nouvelle pour les acouphènes, le power trio rock le plus brillant (bruyant ?) et brouillon que la terre n’ait jamais supporté est de retour, plus assourdissant que jamais. Voilà cinq ans, la reformation sur scène du Dinosaur Jr sous son line up historique — soit J. Mascis (guitare/voix), Lou Barlow (basse) et Murph (batterie) — suivi du réjouissant Beyond (2007), avait réveillé en nous quelques pulsations régressives que l’on croyait enfouies depuis le milieu des années 90 (après l’extinction du Dinosaur Jr marque II en 1997). Et si les joyeuses retrouvailles studio n’atteignaient pas encore exactement le volume d’intensité émotionnel des classiques que sont You’re Living All Over Me (1988) et Bug (1989), l’inspiration de Jay Mascis semblait bien remise sur les rails après quelques disques signés de son nom assez dispensables. Sur scène, le trio avait déjà atteint sa vitesse de croisière au-delà du mur du son. Un regain de volume vaillamment illustré lors de leur passage attilaesque au festival Rock en Seine de 2007, le power trio signait haut la main la performance la plus décapante sur la pelouse du parc de St-Cloud.

Ayant désormais marqué son territoire, le mammouth a incroyablement décuplé ses forces sur l’offensif Farm, supérieur à son déjà estimable prédécesseur Beyond. Au contact de sa bonne vieille section rythmique, la guitare explosive de Jay Mascis (ce degré zéro du sex appeal rock) dégoupille sans temps mort une douzaine d’ogives punk hardcore. Le tri sélectif n’opère pas sur Farm (superbe pochette écolo au passage !), rien n’est à jeter, tout est livré sans édulcorant, direct au consommateur. En commençant par les redoutables attaques frontales que sont “Pieces”, “I Want You To Know” et l’emballant “Friends”, jusqu’aux semi-ballades arpégées toutes aussi renversantes — “Plans”, la mini tragédie “Said The People”.
Comme toujours, Murph a beau marteler ses fûts jusqu’au sang pour se tailler un chemin au milieu de ce raffut phénoménal, les refrains de Mascis dominent de tristesse, indélébiles. Songwriter ébouriffé, Jay Mascis, de son chant débonnaire et ballant, expose sa loositude et brille particulièrement sur quelque paroles bien senties de défaitisme — « I know I can’t move on/ I know I Can’t Win » sur “There’s No Here”. Riffeur atavique et compulsif par excellence, croisement improbable entre un Neil Young électrique la tête dans une poubelle et le Bob Mould du «crü», Jay Mascis parvient héroïquement depuis près de 25 ans à réconcilier gros son qui tache et touchantes progressions/dépressions pop. Il est d’autant plus saisissant que le contraste entre cette fureur sonique déployée et la présence physique ectoplasmique de son géniteur sur scène demeure à ce jour un mystère pour le corps médical : qui songerait à prendre le pouls du guitariste en pleine performance scénique ?

Evidemment, ceux qui cherchent en cette bête étrange un soupçon de modernisme ou d’innovation se trompent encore une fois de crèmerie. Dinosaur Jr continue de faire ce qui lui sied le mieux, du Dinosaur Jr. Il n’empêche, cette distorsion outrancière, dont seul St Joseph connaît l’habile équilibre mélodique, transcende littéralement le simple acte d’instinct primaire rock pur et simple (écoutez le limite funky “See you”). Quelques savant savants fous du rock ont jadis tenté de décrypter les codes de ce bruit blanc — Sonic Youth, qui sollicita J. Mascis sur l’album Goo, ou encore Kevin Shields, qui apporta sa pierre à l’édifice sur un titre d’Hand It Over en 1997, avant d’être embarqué pour la tournée de Dinosaur Jr derrière les fûts !

D’ailleurs, avec le gang de Thurston Moore, Dinosaur Jr confirme que les vétérans du rock alternatif aux noms de bambins ont encore des leçons à donner à la relève rock un peu moribonde. La fossilisation attendra !

– Site officiel

Myspace

– Dinosaur Jr sur le site de Jagjaguwar

– Lire éalement la chronique de Beyond (2007)

– Lire également les rééditions Dinosaur (1986) – You’re Living All Over Me (1988) – Bug (1989)(Sweet Nothing)