Des folk song d’amour mixées en pleine tempête. Attention, averses de sentiments. Avec Talons’, on prend son pied…


Il nous revient un récent film britannique dont on a oublié le titre. L’histoire un jeune homme un peu paumé — qui s’avère être aussi le réalisateur — et entreprend de retrouver chacune de ses ex petites amies, dans l’espoir de résoudre l’échec de sa vie sentimentale. Aujourd’hui, c’est au tour de l’américain Mike Tolan, présenté ici sous son anagramme Talons’, d’attraper le syndrôme « High Fidelity » diagnostisé par le romancier Nick Hornby, en transposant cette expérience initiatique en musique. Sur son album Songs For Babes, chaque chanson portent par conséquent le prénom d’une femme — Natalie, Maddy, Erin, Angela… — soit douze folk songs dédiées à ses « bébés ». On ignore si toutes furent des petites amies de Mike Tolan, mais il nous plait à penser qu’à différents degrés, chacune de ses âmes lui ont remué le coeur.

Petit prince folk du lap top, ce garçon précoce (ancien membre de Six Parts Seven) est le prototype même du songwriter moderne d’appartement — hyperactif de surcroit –, de la même trempe racée que Bon Iver et Loney, Dear. Dans une des photos ornant le livret de son album, on découvre le studio — ou plutôt le bureau de sa chambre — qui pourrait s’apparenter à un grand placard plein à craquer de babioles où trône son ordinateur, au milieu de textes épinglés et d’un cendrier. C’est dans ce contexte lo-fi tamisé que son instinct de création parvient à sortir de quoi alimenter deux à trois albums dans l’année — en l’occurrence les maquettes de son groupe Trouble Books et de manière plus prolifique des démos parues sous son projet solo Talons’. Ses dernières sont justement disponibles gracieusement sur son site ici. On y chine de jolis trésors à portée de main : des ébauches de chansons, instrumentaux d’hier (2005) et d’aujourd’hui, classés chronologiquement. L’évidence pour nous de constater que le bonhomme a magnifiquement mûri au fil des saisons.
D’ailleurs, de son propre aveu, ses chansons les plus tristes à ce jour figurent sur son disque suivant, déjà publié (et oui) Talons in HD. Huit folksongs qui n’ont que la peau sur les os — seulement une guitare et son micro — « enregistrées le jour le plus froid de 2008 dans une chambre à Cleveland face à un pont ». Des chansons brutes capturées en une prise — certaines ne durent souvent pas plus d’une minute –, mais qui nous attrapent par la gorge comme le vent glacial s’infiltrant chez soi par la fenêtre.

Il était donc écrit que certaines de ses pépites offertes à tous finiraient par se monnayer à prix d’or. Songs For Babes en était l’une d’elles, jusqu’à ce que le label Own Records ne convainc Mike Tolans de distribuer l’album. Outre son aspect plus abouti que ses précédentes offrandes, il découvre un exceptionnel songwriter environnementaliste paradoxalement épris de nouvelle technologie. On pense à la rencontre d’Iron & Wine et de The postal Service, parfois au slow core démantelé d’Idaho, Sparkelorse, ou un Four Tet qui se serait pris à chanter. Des folk songs effritées par des prises son en « extérieur » : bruissements, cris de mouettes, gouttes d’eau, le souffle du vent de février… A l’intérieur, outre des cuillères tapant sur des bouteilles vides, il se joue une étonnante partie de ping pong digital/analogique doublée d’une science météorologique : Natalie nous accueille sur le palier, elle reste muette, un piano et quelques gouttes de pluie en guise de bande-son nostalgique. Sur le bouleversant “ Mich” la pluie (encore) maquille quelques trémolos de cordes de violons… “Juice”, folk song solaire, se clôt sur le bruit d’une averse… La dernière plage est la plus intense, elle s’intitule “Summer” : comme l’une des musiciennes du groupe s’appelle Sommer Miller, on a tôt fait le rapprochement.

Si les doux flocons de neige avaient un son, Talons’ l’aurait certainement capturé. Faute de mieux, ce sont des nappes synthétiques éthérées qui se chargent de faire la pluie et le beau temps sur ces émouvantes mélodies. Même si, au final, ce sont bien les prénoms de ses chansons qui ont le dernier mot et lui dictent ses émouvantes déclarations d’amour, laissées lettre morte sur des arpèges décharnés.

L’album est déjà disponible en version digitale sur le site de Own Records, mais sera dans les bacs seulement le 2 septembre.

– Ecouter le morceau « Mich » :

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