Après Contrabasses paru en 1998, c’est la seconde fois que Joëlle Léandre et William Parker croisent leur instrument de prédilection pour le label londonien Leo. Enregistré le 26 janvier dernier dans le cadre du festival Sons d’Hiver, ce set intense s’impose d’emblée comme des retrouvailles discographiques au sommet. L’intense dialogue de cordes pincées, frottées, percutées ou caressées s’apparente à un un ballet haletant mettant en scène (en son) deux musiciens non seulement faits pour s’entendre mais, aussi, capables de dramatiser leur rapport en un corps à corps proche de la danse. Tressant et entrelaçant les figures, les deux contrebassistes affrontent leurs certitudes autant qu’ils s’affrontent dans l’incertitude d’un devenir mutuel, de sorte qu’ils définissent peu à peu un espace de rencontre, qui est aussi celui d’un péril commun. Entre élévation et chute, les deux musiciens à l’origine des six improvisations sans nom de Live at Dunois cherchent quelque chose qui est à égale distance de la beauté (le lyrisme dont fait preuve Joëlle Léandre lors du finale de la seconde pièce) et de la blessure (la sinueuse méditation magnifiquement propulsée ou altérée à coups d’archets baroques de la quatrième pièce). S’il peut paraître difficile, lors des premières écoutes à tout le moins, de dissocier avec exactitude la contrebasse de l’une ou celle de l’autre, c’est moins un sentiment de fusion recherchée qui prédomine ici, que cette façon propre aux musiciens de se tourner autour, de s’éviter ou de s’attirer (en se distribuant notamment le jeu à l’archet), de chantourner ou d’émouvoir leurs gestes musicaux. Il faut ainsi attendre la dernière plage pour que la sérénité l’emporte progressivement sur l’inquiétude et l’agitation : le chant de Léandre plane alors comme un esprit chamanique, tandis que Parker enchaîne les motifs rythmiques avec parcimonie, cherchant en pizzicato la profondeur de timbre adéquate à la plénitude de la voix. Cela jusqu’à l’apaisement et la disparition des deux maîtres sous les applaudissements fournis du public. Et d’appeler d’autres recommencements.

– Le site de Orkhêstra

– En écoute : la première plage