En ayant parfaitement assimilé les disques des glorieux ainés de la décénnie précédente, Throw Me The Statue, comme son nom l’indique, en jette. Et l’Oscar de la meilleure réincarnation catégorie indie rock US est décernée à…


Sans bousculer notre petit Panthéon rock alternatif, cette formation de Seattle joue avec notre corde sensible. Pour cette nonchalance irrésistible des guitares symptomatiques des formations indie rock des années 90, pour ses chansons mi-larguées, mi-azimutées, bricolées sur un synthé Casio de seconde main et une distorsion un peu cracra, les Throw Me The Statue constituent de valeureux vassaux aux inestimables héros que sont Pavement, Grandaddy, Built To Spill, Eels

Moonbeams, premier album autoproduit paru voilà deux ans — repris l’année suivante sous l’aile de la vénérable maison Secretly Canadian — décelait déjà quelques refrains haletants bien que dissipés sur la longueur. Se distinguait notamment l’excitant “Lolita”, superbe avatar tout droit sorti de The Western Freeway. Sur ce nouvel opus, passé le festoyant premier titre “Waving at The Shore”, la voix chevrotante de Reitherman révèle quelques nouveautés bien senties, dont une stupéfiante mélancolie. Sans dénaturer les synthétiseurs délirants de Moonbeans, l’intensité émotionnelle tirée de cette belle détresse s’en voit décuplée. De ce point de vue, des titres aussi relevés que “Ancestors” et “Noises” prennent un tournant poignant, littéralement transcendant.

Et autant dire que les petites pépites se ramassent à la pelle sur Creaturesque… Même si… Même s’il n’est pas très politiquement correct d’admettre que, le vrai patron de ce disque, est bel et bien le coach Phil Ek. Pour ce second opus, l’appel en renfort du producteur aux doigts d’or (The Shins, Band of Horses, Built To Spill…) apporte indéniablement aux compositions du multi-instrumentiste/chanteur Scott Reitherman et de ses hommes à tout faire — Aaron Goldman, Charlie Smith et le batteur Jarred Grimes — cette petite valeur ajoutée qui fait in fine toute la différence. On sent que derrière la console de mixage, il prend un plaisir non feint à déployer tout son savoir-faire multicolore, notamment sur ce merveilleux “Tag”, dont les arrangements hantés nous rappellent au bon souvenir d’Oh Inverted World. Et comment ne pas se délecter de ce petit bonbon power pop fondant qu’est “Dizzy From The Fall”. Ou encore les guitares en montagnes russes d’“Hi-Fi Goon”, qui ont tout de l’inédit purgé du magistral Keep It Like A Secret de Built To Spill.

Un tel catalogue de références pourrait porter préjudice à qui prétend révolutionner le monde de la musique. Mais les chansons de Throw Me The Statue ne sont pas pompières pour un son. Bien au contraire, il émane sous cette couche des mélodies ultra-sensibles d’une telle finesse d’écriture qu’elles nous contaminent insidieusement. Car il ne faut pas se méprendre sur la qualité de la marchandise, une telle alchimie n’est possible qu’avec l’association d’un songwriting de haut standing. Pour ceux qui ne jurent que par les noms cités dans cette chronique en name dropping — pratique dont on aime pas (ab)user d’habitude –, Creaturesque est incontestablement une denrée rare, un mystère qui mérite d’être percé au grand jour.

Myspace

– Sur le site de Secretly Canadian

– Ecouter le morceau « Tag » :