Au sein des musiques actuelles, il est passionnant de pouvoir faire l’expérience des formations musicales qui, malgré une composition traditionnelle quant aux instruments — à savoir une guitare, une basse, une batterie et une voix — travaillent sans relâche à leur propre négation, dénotant une volonté d’écrire une autre histoire de la musique. Si la production sonore y est perçue immédiatement comme bruit et accessoirement comme oppression, c’est parce que, s’attachant à des formes primaires, ignorant l’agréable et le confortable, cette histoire de l’agression se génère subtilement, en parallèle avec une certaine idée de l’épreuve musicale, dont l’accomplissement serait toujours lié à la complaisance, au plaisir tiré d’une attente comblée. Or, ce rapport harmonieux, bien qu’il soit inconscient et accepté de nos jours comme « allant de soi », ne saurait s’établir dans le cas des groupes comme Sightings qui, depuis maintenant une dizaine d’années, travaillent à rebours. City of Straw, le septième album du trio américain à ce jour, est un pas de plus dans une recherche musicale qui ne s’opère qu’en disloquant cette relation de confiance et où le bruit devient la matière première pour une structure solide et réfléchie, sans pour autant manquer de frénésie et d’ivresse. C’est, en somme, un travail de déconstruction minutieux, afin de dérégler les convenances, en proposant, sous l’image joliment cadrée, une légende supplémentaire. Si Mark Morgan, Richard Hoffman et Jon Lockie composent dans le sens le plus traditionnel du terme, la distance et la violence ne sont que les effets secondaires de l’intensité qui anime leurs jeux et cette volonté de traduire, au-delà d’un quelconque plaisir de la provocation ou de la brutalité, cette force vive qu’est la création, capable d’embrasser l’excès.
– Le site Myspace
– A écouter : “Tar and Pine”