« On ne change pas une équipe qui gagne ». La preuve ici par douze hymnes power pop, tellement suprêmes que la critique en est réduite à chipoter sur des bouts de ficelle.


Le cinquième album des New Pornographers s’intitule symboliquement Together. Cela va de sens. Bien que chaque nouvel album nous laisse présager que ce sera le dernier sous ce super casting, l’équipe est encore là, au complet. Grâce encore une fois à la persévérance du sélectionneur, Carl Newman, parvenu à rassembler les huit forces en présence dans le même studio. Un nouvel album de The New Pornographers est en effet le résultat d’un périlleux jonglage avec des agendas impossibles, notamment ceux des internationaux et de plus en plus sollicités jokers que sont Dan Bejar (Destroyer) et la country/folkeuse américaine Neko Case. Mais tous s’y sont pliés et Together revendique plus que jamais cette unité.

Eu égard à ces lourdes contraintes d’organisation, ce qui est remarquable avec The New Pornographers, c’est le degré d’exigence renouvelé pour chaque nouvelle production. Il ne s’agit pas seulement de pop radieuse, d’airs délicieux, fondant instantanément comme une crème glacée. Sous leurs abords de compositions pop classiques propulsant un refrain explosif, les infinis contours de ces chansons sont d’une richesse telle — bombardement d’arrangements de cordes et de cuivres, harmonies vocales doublées systématiquement — qu’il faut un certain temps avant de pleinement en prendre possession. Pas de concepts foireux ou de triple albums, seule compte ici la quête de la chanson parfaite — millésimée seventies, façon Big Star, Procol Harum, voire XTC. Tel est leur saint Graal.

Avec deux songwriters de l’étoffe de Carl Newman et Dan Bejar au sein du collectif, l’inspiration semble assurée de ne jamais faire défaut. Hors, après avoir commis le percutant Twin Cinema (2006), leur meilleur album à ce jour, son successeur Challengers (2008) péchait par manque de titres percutants. La baisse de régime n’aura pas duré longtemps : les douze titres de Together renouent avec la frénésie pop de Twin Cinema. L’entrée en matière fracassante “Moves” (hommage sans ambiguïté au groupe préféré de Carl Newman, The Moves), cloue d’entrée nos esgourdes avec un riff de cello ravageur, doublé par une guitare électrique (ce procédé est un peu devenu leur marque de fabrique). S’en suit un stupéfiant marathon de morceaux enlevés qui ne connaitra de répit qu’au neuvième titre, “Valkyrie And The Roller Disco”, une ballade oserons-nous dire. Mais… si la victoire est sans appel, l’inspiration de Carl Newman commence à montrer ses limites : ses efficaces ficelles s’avèrent assez similaires aux deux derniers albums. Une certaine mécanique — méchamment huilée tout de même — aurait tendance à installer.

Relativisons, on a beau faire la fine bouche, la batterie d’inventions déployées avec maestria sur le moindre pont ou couplet subjugue. Et pour contrer les pièges de la répétition, AC Newman possède tout de même de sérieux atouts qui font toute la différence. Tout d’abord en la personne de Dan Bejar, songwriter moins productif mais qui n’a rien perdu de sa patte singulière. Si l’ensemble des compositions du groupe sont créditées collectivement, les trois superbes compositions habituellement délivrées par Bejar sont immédiatement identifiables lorsqu’il s’approprie le micro de sa voix éloquente via son glam rock tarabiscoté (“Silver Jenny Dollar”, “If You Can’t See My Mirrors”, et “Daughters of Sorrow”). Homme de l’ombre, le producteur et multi-instrumentiste John Collins n’est pas en reste, incroyable metteur en son de ces pièces-montées sophistiquées qu’il nappe d’une vertigineuse chantilly de violons. La chanteuse et claviériste Kathryn Calder (“Immaculate Machine”), nièce de Carl Newman, s’impose légitimement devant Neko Case, après avoir longtemps été reléguée comme sa remplaçante (notamment sur la country de “What Turns Up In The Dark” et le finale grandiose “We End Up Together”).

Enfin, l’apport des cuivres sur plusieurs titres d’une partie de la section Dap-Kings — hommes de main de la fiévreuse diva new-yorkaise Sharon Jones — n’est pas négligeable pour insuffler cette chaleur Stax dont ils détiennent le secret. Zach (Beirut) Condon s’en tire aussi plutôt pas mal à la trompette sur “A Bite Out Of My Bed”. Au contraire des apparitions de Annie (St. Vincent) Clark et Will Scheff (Okkervil River), trop anecdotiques. Une telle équipe ne s’improvise pas.

En concert à Paris le 26 mai (Maroquinerie) et le 27 mai à Toulouse (Café Rex)

– Lire également notre entretien avec AC Newman paru en 2004.

– Lire notre chronique de Challengers (2008)

– Lire notre chronique de Twin Cinema (2006)

– Lire notre chronique d’Electric Version (2003)

– Le site officiel de The New Pornographers

– Ecouter « Moves » :