Revenu de son tube des années 90 « Gorgeous » – et épatant malentendu ! -, Babybird est devenu un orfèvre de la love song drôle et cynique.
Humour noir et amour schizophrène sont l’apanage de l’Anglais Stephen Jones, alias Babybird. Et ce n’est pas The Pleasures of Self Destruction qui démentira sa réputation. L’un des plus piquants paroliers et chanteurs britanniques a opéré un retour de premier plan voilà deux ans avec Ex-Maniac, album où il endossait à nouveau le costume pailleté de son double Babybird, rangé un peu au placard durant les années 2000. L’ex-maniaque y renouait de sa voix de crooner grinçante avec des ballades inspirées de l’étoffe d’Ugly Beautiful (1996), son plus grand succès à ce jour.
Ces dix dernières années, Stephen Jones s’est épanoui dans d’autres domaines artistiques : en écrivant deux nouvelles, en s’essayant à la BO de films et en enregistrant quelques disques expérimentaux sous d’autres noms. A ses débuts Lo-Fi, tous ses disques étaient signés sous Babybird ; aujourd’hui, le nom est plutôt devenu une signature quand l’envie lui prend d’enregistrer dans le cadre dit de la « pop ». Le terme n’est pas du tout préjudiciable, les chansons de Babybird aussi « pop » soient-elles, portent toujours une fêlure, voire un cynisme qui les protège de toute aseptisation.
Prolongeant l’expérience concluante d’Ex-Maniacs, The Pleasures of Self Destruction a également été enregistré à Los Angeles entouré de la même équipe, les producteurs Bruce Witkin et Ryan Dorn. L’inaugural « Jesus Stag Night Club » et ses cuivres imposants ne cache pas la dimension orchestrale de l’album. « Épique » même selon les dires de l’Anglais mal rasé, certaines compositions s’orientant délibérément vers des sentiers rock encore inexplorés jusqu’ici (sur les électriques « Can’t Love You Anymore » et « Beautiful Haze »). Soulignons que les albums studios de Babybird ont toujours été enregistrés avec une configuration de groupe classique (guitare, piano, section rythmique…) dans le but de capter une énergie organique. À l’inverse, ses projets solo sortis sous son propre nom ou Death of the Neighbourhood, font usage exclusif de machines et de boîtes à rythmes. Même si les règles ne sont pas tout à fait établies, Stephen Jones avoue avoir un temps hésité de faire paraître l’album sous son propre nom… L’implication du groupe au-delà, de ses espérances, a certainement révisé son idée de départ.
Contrairement aux autres albums de Babybird , The Pleasures of Self-Destruction semble dans un premier temps ne pas avoir de single instantané tout désigné. Du fait de ses orchestrations élaborées, la richesse des mélodies demande un peu plus de temps avant de mémoriser celles-ci. Il en résulte que The Pleasures of Self-Destruction est son disque le plus cohérent de bout en bout. Le plaisir d’écouter ses histoires d’amour cyniques gagne rapidement. Stephen Jones n’a pas son pareil pour faire chanter ses mots à l’ironie bien pesée. Morceau choisi parmi d’autres : « Don’t wake me up, I’m dreaming about you » sur « Don’t Wake Me », ou encore “Song For The Functioning Alcoholic” qui démarre sur un couplet mémorable (« I hate my job but my job loves me. I love my wife, but my wife hates me…») avant de décoller sur un refrain dans la veine de New Order. Il y a aussi quelques instants de grâce où l’Anglais sait nous soutirer quelques larmes (« Best Days of Our Lives » et surtout « www.song », peut-être finalement le tube pop du lot)…
Modeste et constant artisan de la chanson à l’instar d’un Josh Rouse, Babybird excelle dans l’art ténu de la pop song simple et émouvante (bien que tordue). C’est tout ce qu’on lui demande, et c’est déjà beaucoup.