Le cœur en miettes, Islands signe un quatrième album poignant.


Une fois de plus, le malheur des uns fait le bonheur des autres. C’est en effet en plein tourment consécutif à une rupture compliquée que Nick Thorburn a envisagé ce quatrième album d’Islands. Mais alors que l’on pouvait craindre le résultat de cette transcription en musique des déboires sentimentaux du génial Canadien (le syndrome Sea Change de Beck), le résultat est un bonheur insoupçonné qui signe la renaissance d’un groupe que nous avions sans doute eu tort de délaisser depuis quelques temps. Une séparation donc, un déménagement aussi, de New York à Los Angeles. Et enfin, la découverte d’un piano, sur lequel le garçon aura composé des chansons certes puissamment mélancoliques, mais pas seulement (« No Crying », comme s’il lui fallait s’en persuader à tout prix). Le décor est planté, en route pour un peu plus d’une demie-heure en état de grâce, le cœur gros et la gorge serrée.

« Open up your door for me, and let me in ». C’est sur ces mots que débute A Sleep & A Forgetting. Comme si Thorburn ressentait le besoin de demander à l’auditeur de lui accorder un peu de temps, un peu d’attention. Ce sera chose faite dès le single « This Is Not A Song », slow langoureux qui assume avec élégance son côté tire-larmes, et donne le ton d’un disque certes introspectif et solennel, mais qui n’oublie jamais d’être accessible et constructif. Car même avec le moral au fond des chaussettes, la troupe conserve intact ce don pour les compositions pop azimutées et les mélodies ascensionnelles qui ont toujours fait sa particularité (« Never Go Solo », « Hallways »). Signe évident d’une maturité artistique nouvelle, Thorburn parvient toutefois aujourd’hui beaucoup mieux qu’hier à tempérer ses élans frénétiques. Ce côté plus réfléchi lui permet d’assumer pleinement sa vulnérabilité, à l’image de « No Crying » ou « Lonely Love », servis par une voix dont on ne soupçonnait pas qu’elle puisse un jour bouleverser ainsi. Notre homme souhaitant sans doute se retirer en nous remerciant d’avoir partagé ses douloureuses confessions, il clôt notre rencontre par un doublé gagnant, que parcourt un frisson ininterrompu. « Don’t I Love You » chasse avec bonheur sur les terres majestueuses du grand Richard Hawley avant que l’électronique minimale de « Same Thing » ne se fasse une dernière fois l’écho du chagrin qui aura inspiré ce grand disque troublé.

Habitué aux changements de rythme comme aux changements d’humeur, l’insaisissable Nick Thorburn nous avait déjà exposé par le passé de multiples facettes de son écriture protéiforme. Du psychédélisme buissonnier, tendance Elephant 6, des séminaux Unicorns au curieux épisode Mister Heavenly, le parcours du songwriter était déjà riche de quelques réussites notoires. Si elle n’est pas la plus spectaculaire à première vue, cette dernière réinvention en date est pourtant, à n’en pas douter, la plus importante d’une carrière décidément exemplaire.

Islands – « Hallways »