Entouré par la fine fleur de la scène écossaise, le guitariste virtuose poursuit son entreprise de rénovation du folk local.


Tapie dans l’ombre écrasante de Mogwai et consorts, El Hombre Trajeado fit partie de ces nombreuses formations qui ne profitèrent que trop peu du bref coup de projecteur sur la scène rock de Glasgow, à la fin des années 90. Guitariste émérite de ce groupe que l’histoire n’aura pas daigné retenir, RM Hubbert aura pris le temps de tourner la page sur cette aventure avant de s’affirmer en solitaire. First and Last (2010) marqua ainsi le retour discret du bonhomme, et l’accueil critique très favorable réservé à ce disque autoproduit lui valu une signature sur l’éminent label Chemikal Underground, qui s’occupa de lui offrir une visibilité méritée. Nourri entre autres par l’influence du flamenco, le jeu de guitare singulier de l’Ecossais habitait un recueil instrumental cabossé et captivant, proche d’un David Pajo dans ses exercices les plus expérimentaux.

Deux ans après ce coup d’éclat exigeant, RM Hubbert revient aux affaires avec un ouvrage collaboratif aux invités prestigieux. Chargées d’éclairer à la bougie l’univers un brin ascétique du musicien, quelques voix compatriotes et amies (treize en tout, d’où le titre de l’album) participent à l’élaboration d’un grand disque de folk pluvieux, honorant tout en les déconstruisant les traditions musicales écossaises. Premier visiteur, le violon de Luke Sutherland (Long Fin Killie, Bows) ouvre les débats pour un court tête à tête avec le maître des lieux. Passée cette inquiétante mise en bouche, le parlé-chanté inimitable d’Aidan Moffat place « Car Song » tout près des meilleurs titres d’Arab Strap, soutenu par le melodica du Franz Ferdinand en chef Alex Kapranos (qui produit d’ailleurs l’album). Entrecoupées de respirations instrumentales (mention spéciale à « For Joe »), les belles rencontres se succèdent ensuite, à l’image de « Gus Am Bris An Latha », qui accueille la mandoline de John Ferguson ou de « Sunbeam Melts The Hour », auquel le chant de la Finlandaise d’origine Hanna Tuulikki confère un délicieux parfum d’exotisme. Autre invitée de choix, Emma Pollock (ex-Delgados, tout comme Paul Savage, également présent au générique) livre une prestation vocale ensorcelante, cernée de cordes sur un « Half Light » bien nommé. Dernière immersion dans les racines d’un folklore local passionnant, « The False Bride » convie en toute simplicité le baladin Alasdair Roberts, pour un ultime moment de grâce nébuleuse.

Situé dans la continuité d’un héritage musical aux profondeurs insondables, mais irrémédiablement ancré dans les humeurs inquiètes de son époque, Thirteen Lost & Found fait partie de ces albums qui se révèlent et s’apprécient au fil des écoutes, et dont la valeur s’impose à nous peu à peu. Ceux dont nous comprenons au final qu’ils résisteront probablement mieux que beaucoup d’autres, pourtant plus immédiatement attachants, aux outrages du temps.

« Sunbeam Melts The Hour »