Premier album mélancolique et éthéré de Colin Caulfield, Peter Pan de la dream Pop. Produit par John McEntire.
Le vieux fantasme de la jeunesse éternelle… Quel cadeau empoisonné ! L’humanité est ainsi faite que la mélancolie ne s’atténue pas avec le temps, bien au contraire. Alors vivre avec pour l’éternité… le choix serait discutable. L’éphèbe Colin Caufield s’intéresse quant à lui à ce trouble passage entre l’innocence et l’âge adulte, conceptualisé sous le patronyme « Young Man ». Volume 1 est le second volet d’une trilogie sur ce thème proustien, déjà effleuré sur ses deux précédents EPs.
Le chicagoan s’est d’abord fait repérer sur YouTube en 2009 en postant quelques reprises finement revisitées d’Animal Collective, Bon Iver ou encore Beach House. Transporté par son brin de voix au spleen doucereux, Bradford Cox de Deerhunter le félicite personnellement pour sa version de » Rainwater Cassette Exchange« , son créateur l’estimant même supérieure à l’originale. Il n’en fallait pas plus pour que le label new yorkais Frenchkiss Records (The Drums, The Dodos…) lui mette le grappin dessus. Depuis, ce garçon francophile (il a vécu à Paris quelques mois et y a même donné quelques concerts) a conçu en autarcie dans sa chambre universitaire les EPs Boy et Ideas of Distance, dans la lignée cosmique « lo-folk » d’un Ariel Pink.
Ce Volume 1 l’est nommément à plus d’un titre. Bénéficiant pour la première fois de conditions studios, Caulfield a intégré ses musiciens de tournée au processus créatif, méthode jusqu’ici inédite pour ce solitaire. Et pour canaliser l’hypersensibilité lo-fi du jeune homme, rien de tel qu’un producteur d’expérience en la personne de John McEntire. Une option avisée, tant le célèbre architecte du son de Tortoise a su amplifier avec habileté les guitares laiteuses sur les savantes constructions mélodiques de Colin Caulfield, sans dénaturer sa spécificité « artisanale ». Emporté dans ce tourbillon cotonneux, les six-cordes voluptueuses sont effectivement reines – les arpèges délicats posées sur les bulles de savon mélodiques que sont « Wasted » et « Wandering ».
En prenant le parti de ne garder sur ce court LP que neuf compositions, le format exclut sciemment toute piste de remplissage. La cohésion de l’album n’en est que renforcée, et surtout, l’alchimie du quintet s’y révèle magistralement. Fort de cette communion instrumentale, certains titres s’envolent avec une grâce inespérée, tels les intenses « Do » et « 21 », pop songs progressive aux envoutants entrelacs de guitares shoegazy. Et s’il ne fallait écouter qu’un morceau pour mettre tout le monde d’accord, le single « Fate », dont la version studio culmine sur plus de six minutes est peut-être le « Marquee Moon » de cette nouvelle génération Dream Pop. Perché entre deux nuages, Young Man construit un pont royal reliant Beach House à Real Estate.
Young Man – « Fate »