Epure et frénésie électrique sont les maître-mots de ce binôme pop/folk . Hannah devrait vite se faire un nom pour tous les amateurs des Shins et Dodos.
Longtemps, on a cru que la suprématie du « duo rock » était réservée aux White Stripes et The Black Keys. C’était sans compter sur d’autres têtes siamoises : Death From Above 1979, The Dodos ou plus récemment Japandroïds, chacun ayant ouvert une brèche dans la façon d’envisager le binôme séminal guitare/Batterie, aussi bien en studio que sur scène. Brèche dans laquelle se sont engouffrés les niçois d’Hannah. Nous avions déjà salué en 2010 le EP Ben’s Boy Hero & Prehistory, où leur folk irisé, aussi nerveux que déjà solidement vissé, provoquait quelques splendides palpitations. La paire Emmanuel A (chant / guitare) et Laurent T (batterie / chant) y démontrait une insolente aptitude à retourner à leur avantage les limites de leur configuration instrumentale.
People in the Mirror Are Closer than They Appear, leur baptême du feu, est à marquer au fer rouge. Leur pop/folk exaltée a encore gagné en amplitude sous l’impulsion du producteur Fabrice Maria (Bashung, Hindi Zahra…). À travers ce miroir se reflète dans le chant et le songwriting d’Emmanuel A une symétrie étroite avec la pop onirique des Shins, une affection partagée pour les harmonies chiadées et les envolées ultra sensibles (l’intimiste « Hero Fisher »). À un détail près toutefois : baguettes et médiator aiguisés entre leur main, Hannah n’a (presque) d’yeux que pour la fièvre rock. Une folk physique, où le duo exécute des prouesses élastiques et rythmiques qui n’ont pas grande chose à envier aux Dodos.
Tel un coup de feu au départ d’un sprint, la six-corde folk s’embrase d’électricité sur « Kabuki », le feu est maintenu par la frappe époustouflante de Laurent T, qui est évidemment le facteur « Hannabolisant » du groupe. « The L-World », sans conteste la pièce de bravoure de l’album, est appelé à rester dans les annales : une guitare supersonique/post-rock – aiguillée par une batterie haletante – mitraille tout sur son passage, sans manquer de nous cribler de vertige. Les morceaux déjà égrainés sur le précédent EP, « Over and Out », « Boy in the Mirror » s’imbriquent parfaitement dans ce puzzle, dont de nouvelles pièces viennent toutefois étoffer le tableau : un voluptueux piano et des chœurs garnis de chantilly, en guise d’épilogue sont offerts sur « Tonight we Sing », qui peut se targuer d’exhumer le génie mélodique du Ben Folds Five. Autre facette pianistique inattendue, ce « Seaside Afternoon » un peu plus gueule de bois façon Randy Newman. Fin et enivrant.
Il fut un temps où Jack White prétendait que dans le processus de création, plus le musicien s’impose des limites, mieux il en est pour son inspiration. Si l’ex White Stripes semble avoir oublié ce principe de nos jours, d’autres comme les sudistes d’Hannah ont bien saisi tout l’enjeu de ce filtre si ténu, mais essentiel.