Tendre et délicat, le bassiste de Teenage Fanclub forme Lightships et fait pousser des chansons sur l’eau.


Lightships est le projet bien nommé du bassiste de Teenage Fanclub, le non moins bien nommé Gerard Love. Tout d’abord rappeler que Teenage Fanclub est l’un des groupes les plus jubilatoires de ces vingt dernières années, de leurs débuts noisy foutraques (ah,“ Everything Flows” !) jusqu’à leurs récentes productions ciselées (en passant par le merveilleux Songs From Northern Britain, en 1997). Se souvenir aussi que les trois songwriters humbles et passionnés Norman Blake, Raymond McGinley et donc Gerard Love ont équitablement composé des wagons de pop songs parfaites, pour le soleil ou les jours de pluie, les cuites ou les câlins.

Étrangement, il a fallu attendre l’année passée pour que l’un d’entre eux sorte du nid pour un album solo. Solo pas tout à fait, car Blake s’acoquina avec Euros Childs pour le premier LP – un poil plan-plan – de Jonny. C’est donc au tour de Gerard Love de prendre son envol. Bien entouré lui aussi, car chez les musiciens indies écossais on privilégie les liens de l’amitié. D’ailleurs parler de rock écossais revient à dérouler un fil d’Ariane où groupes et individualités s’entremêlent. Dave McGowan (guitariste de Teenage Fanclub), Brendan O’Hare (batteur, ex … TFC), Tom Crossley (flûte, International Airport et The Pastels) et Bob Kildea (bassiste de Belle & Sebastian) entourent ici notre héros si discret. Ajoutons que Annabel Wright – alias Aggi, qui fut la bassiste des Pastels – a réalisé l’artwork verdoyant de Electric Cables. Pochette végétale qui rappelle celle de Two Sunsets, dernier album en date des Pastels (avec Tenniscoasts). Et si Love collabore régulièrement avec le groupe adoré de Glasgow, on peut avancer que cet album initial de Lightships est un pendant à Two Sunsets, aussi doux et aérien, bien que d’une texture sonore un peu plus complexe.

C’est ce qui marque à l’écoute des trois premiers morceaux d’Electric Cables, trois bijoux scintillants. “Two Lines”, “Muddy Rivers” et “Sweetness In Her Spark” nous plongent dans des eaux miroitantes, pour y dresser des murs du son fluides et mélodieux. Méli-mélo d’instruments diffuseurs d’harmonies bienfaitrices. Ainsi “Two Lines” carillonne puis chemine, limpide, entre les végétaux ornant les rivages d’une rivière printanière. “Muddy Rivers”, justement – « a sweet place to be » comme le chante Love – est introduit comme du My Bloody Valentine en tongs. Réverbérations et bulles de savon, delay en tissus légers. Ces mêmes ingrédients qui font de “Sweetness In Her Spark” un nouveau rêve éveillé, avec une guitare papillonnante au motif emballant. Chaque chanson de l’album réserve son lot de délicatesses agencées en mille feuilles. Sur “Silver And Gold”, on entend un jeune Brian Wilson en goguette à Glasgow, pour un refrain frotté à la rudesse d’Écosse, savoureuse guitare fuzz et cascade de batterie en prime. Autre belle réussite à base de rebonds rythmiques que “Stretching Out”, morceau au groove souriant. Aussi charmant , “Photosynthesis” visite le jardin Pastels, flûte herbue au bec. « Sunlight, raincloud, seed » : ingrédients pour Love, écolo de cœur qui cultive avec soin et adresse son aire de jeu. L’aspect éthéré et débonnaire de l’ensemble en fera sourire certains, alors que d’autres se seront assoupis à l’ombre d’un grand saule. Certes, pour le nerf on repassera et avec Lightships le vent ne vous décoiffera pas. N’empêche que cette pop là a des vertus apaisantes, et en fixant ces chansons au plus près … on est certain d’avoir vu des poissons voler !

– Le Tumblr Lightships