Première respiration en solo de la voix inoubliable de Blue Nile… Personne ne brise le silence avec autant d’émotion. Mid-air est vital.


Les plus hautes autorités s’accordent à le dire, Paul Buchanan est l’une des plus belle voix de la pop. Personnage trop rare, il entre dans cette catégorie de musiciens précieux qu’on ne lâche plus dès l’instant où il s’est immiscé dans notre vie. Depuis les années 80, le très discret écossais a signé à la tête de son groupe Blue Nile quatre albums de pop sophistiquée – visionnaire ! – dont au moins deux chefs-d’œuvre reconnus unanimement, A Walk Across the Rooftops (1984) et Hats (1989). Une nouvelle génération l’a aussi découvert dans les années 90 sur l’album The Space Between Us de son compatriote et fidèle arrangeur Craig Armstrong, où le chanteur réinterprétait de son vibrato poignant une des plus belles chansons de son répertoire, « Let’s Go Out Tonight » escortée d’arrangements à la somptuosité lacrymale.

À l’instar d’un Mark Hollis et d’un David Sylvian dans les années 80, Paul Buchanan a apporté sa pierre à l’édifice pop, en conférant au silence et à l’espace une nouvelle dimension tout aussi cruciale que la mélodie. Une telle maîtrise dans les points de suspension nécessite certainement de porter un grand recul sur sa musique, quasi-méditatif. Aussi, nous ne sommes pas surpris de constater que Paul Buchanan n’a jamais couru après la grande horloge du temps. À notre plus grand regret en termes artistiques – la fréquence moyenne entre chacun de ses albums étant de huit années.

Après plus de trente ans de carrière, le glaswegian sort son premier album solo. Mid-Air est un album exclusivement piano-voix, où la plupart des quatorze compositions n’excède pas trois minutes. Des « record-ettes » comme il se plait à les décrire, « mais ne vous méprenez pas, je n’en dors pas la nuit » prévient-il, comme pour conjurer sa quête obsessionnelle de perfection. Un choix d’épure qui a du sens, tant toute son œuvre construite depuis A Walk Across the Rooftops, s’acheminait un jour à cette forme de quintessence artistique, essentielle. Les fondations étaient d’ailleurs déjà là, sur la chanson « Family Life » tirée de Peace At Last, troisième album de Blue Nile paru en 1996 : ce piano solennel, cette voix si intimement chuchotée, la présence presque invisible des arrangements, et enfin les thèmes écrits qui se concentrent sur la vie ordinaire (et si complexe) du couple. Ces drames en miniatures, tels que « Wedding Party » et « Two Children » sont décrits avec une ironie et une justesse de ton incomparable, sublimes et cruelles à la fois. Paul Buchanan cherche à se rapprocher au plus près de l’honnêteté des sentiments, sa vérité, et celle-ci ne tolère aucun superflu.

Le modeste démiurge prétendait autrefois toujours écrire la même chanson, et c’est ce que pourrait laisser entendre une écoute distraite de Mid-Air. Mais l’attention portée encore une fois à d’infimes détails change significativement la donne : la moindre touche blanche devient à son contact ultra-sensible, jusqu’au simple souffle de sa voix. On y revient, comme hypnotisé par cette voix pleine d’humanité, effrayante d’honnêteté – les bouleversants « My True, Country », « Newroom »…. Mid Air aurait pu paraître demain, dans 10 ans, 20 ans, ou 50 ans en arrière. Ce disque exhale un parfum d’intemporalité tout à fait hors du commun.



Paul Buchanan – « My True Country »