Treize ans après The Unauthorized Biography of Reinhold Messner, le pianiste Ben Folds retrouve sa section rythmique légendaire. Un retour sans fausses notes.
Rien de tel que retrouver ses vieux amis pour repartir sur des bases saines. N’est-ce pas Mr. Ben Folds ? Non pas que la carrière solo de l’intrépide pianiste/chanteur américain nous ait laissé de marbre, Rockin’ the Suburbs (2001) et Songs for Silverman (2005) n’ont pas à rougir de la discographie du Ben Folds Five. On admire même la capacité de ce musicien décidément hyperactif, à avoir multiplié les défis et autres collaborations délirantes ces dix dernières années. Citons notamment Bens, trio bien nommé avec les benjamins Ben Kweller et Ben Lee ; ou encore un album avec l’écrivain Nick Hornby en parolier exclusif. On l’a même entendu revisiter (oser ?) les hardos castra de The Darkness sur un Ep de reprises iconoclastes (The Cure, Divine Comedy, Snoop Dogg…). Cependant, si Ben Folds garde toute notre sympathie, il faut admettre sur le plan musical que notre intérêt s’est étiolé. Il exhalait de Way To Normal (2008) et Lonely Avenue (2010), cette inconfortable impression que l’Américain rentrait progressivement dans le rang, perdait de sa douce folie. Au risque de finir par souffrir de la comparaison avec Elton John – dont il est d’ailleurs le sosie juvénile et coiffé – plutôt que de Randy Newman.
Douce providence, le destin des trois de Chapell Hill est croisé à nouveau en 2008, réuni exceptionnellement le temps d’une soirée pour rejouer l’intégralité de leur ambitieux The Unauthorized Biography of Reinhold Messner. L’idée d’une reformation fait forcément son chemin… Jusqu’à ce quatrième album, financé par le biais de fans via le site PledgeMusic. Car aussi surprenant soit-il, si Ben Folds est signé chez Sony pour sa carrière solo, son illustre faux quintet peine à trouver un contrat en 2012. Fort heureusement, la mobilisation des fans fut massive. Pour un résultat artistique indéniablement fructueux.
Du temps béni de Whatever and Ever Amen (1997), l’humour subtil du Ben Folds Five était une composante importante de sa musique. Nous voilà rassuré avec The Sound Of The Life Of The Mind, le sens de la dérision est intact. Et surtout quelle joie de retrouver la sainte trinité piano/basse/batterie la plus palpitante de l’indie pop. Et qu’il est bon parfois d’entendre des instruments non parasités d’effets en tous genres, pour cacher d’évidentes faiblesses d’écriture. Avec le Ben Folds Five, le talent transpire à chaude goutte ! Le super trio n’a pas besoin de faire muMuse avec des synthés ridicules ou les chœurs de l’armée rouge pour édulcorer ses compositions. Question harmonies vocales, ils nous en servent même plutôt deux fois qu’une. The Sound Of The Life… incarne la power pop dans son expression la plus noble et pure, interprétée par de musiciens audacieux et expérimentés.
En première position avec « Erase Me » et sa ligne de basse façon marteau-piqueur, l’explosivité de la section rythmique Robert Sledge (basse) et Darren Jessee (batterie) fait déjà son petit effet. C’est justement ce binôme tout-terrain qui donne un coup de fouet à l’inspiration de Ben Folds et le pousse à se surpasser dans cette course effrénée. » tout du long de ses des douze compositions. Tel la frénésie contagieuse de « Draw a Crowd » ou encore le single « Do it Anyway ». Et lorsque l’adrénaline redescend un petit peu, nous avons droit à quelques vibrantes balades – « Away When You Were Here” escorté de cordes ou encore le superbe « Sky High » composé par Darren Jessee. Le bougre signe une seule chanson sur l’album, mais elle fait date, transcendée par le clavier magique de son leader. Prions maintenant pour le faux Club des cinq traversent l’Atlantique afin de nous montrer de quel bois ils se chauffent sur scène en 2012. On les attend de pied ferme.
Ben Folds Five « DO IT ANYWAY » f. Fraggle Rock [Official Video]