Discrétion et sobriété : deux qualités qui semblent découler presque naturellement de ces quelques mots échangés avec Amir Abbey aka Secret Pyramid, dont l’album Movements of Night sorti en 2013 fait partie de ceux qu’on aurait aimé découvrir plus tôt.
Séance de rattrapage donc, mais aussi un petit peu plus, dans notre conversation électronique avec ce musicien solitaire de Vancouver.
Pinkushion : Quel est la trajectoire initiale de Secret Pyramid? Comment est-il né?
Amir Abbey : J’ai commencé ce projet en 2009/2010 comme un lieu exutoire pour mes enregistrements solo et pour jouer une ou deux fois en live pendant cette période. Je n’y pensais pas trop à l’époque. J’ai fini par faire un CD-R limité en 2010 et, à ma grande surprise, les gens ont vraiment semblé l’apprécier.
Votre dernier LP, Movement of Night, est sorti en 2013 chez l’excellent label Students of Decay. Comment la collaboration s’est mise en place?
Alex, le directeur du label, a mis la main sur la cassette The Silent March, et ça lui a vraiment plu. Il m’a contacté et nous avons commencé à discuter. Puis il m’a proposé de sortir un LP.
Où placez-vous Movements of Night parmi votre production musicale, comparée à votre album précédent Silent March? Comme une évolution? Un prolongement?
A mesure que le temps passe, je me sens de plus en plus à l’aise avec le processus enregistrement/création. On peut dire que les nouveaux enregistrements peuvent être considérés comme plus matures, ce qui est évident puisque le fait d’enregistrer/créer/produire est toujours un processus d’apprentissage pour moi. Néanmoins, je trouve que le dernier album et Silent March fonctionnent bien en tandem. Ils sont similaires et différents à la fois, mais je vois que les gens qui ont aimé Movements of Night apprécient également Silent March et vice versa.
Vous avez aussi un EP en cassette, Distant Works I, que vous appelez comme « une approche minimaliste de Silent March ». Pourriez-vous développer un peu?
Ce sont des enregistrements réalisés avant ceux de 2010. Juste après avoir enregistré Ghosts, j’ai entamé The Silent March et acheté un magnétophone Reel-to-Reel. J’ai commencé à réaliser des enregistrements en boucle et expérimenter avec. La première face de Distant Works I ce sont les boucles de cette période. Je me rappelle de les avoir enregistrées, numérisées et abandonnées par la suite. Donc cette première face ce sont ces boucles séquencées et éditées afin de constituer une suite longue. La face B est un morceau enregistré à l’automne 2010. Cette matière musicale ne semblait pas être en accord avec ce que je voulais pour The Silent March du coup elle n’a pas été utilisée. Je l’ai retravaillée en 2013, modifiée un peu, et j’ai décidé de la sortir en cassette.
Pouvez-vous nous parler de votre processus de création? De quelle manière débutez-vous une composition et vous la finalisez?
En fait ça peut se réaliser de plusieurs manières. Parfois cela commence juste avec une simple idée, ou même avec un son qui est dans ma tête ; puis je commence à le sculpter et à le construire, à l’amener à la vie. C’est la manière la plus commune, et des fois elle peut être vraiment prenante. Il y a d’autres morceaux qui s’écrivent presque d’eux-mêmes : je vais juste jouer quelque chose et l’enregistrer sans trop réfléchir ; je vais la réécouter et ça sera quasiment achevé. Parfois les coïncidences heureuses sont toutes aussi importantes, des choses arrivant d’une manière non-intentionnelle.
Chaque morceau de Movements of Night a sa densité harmonique propre, mais qui enlace les autres comme en un mouvement serpentin. Comment avez-vous réuni ces différents morceaux pour avoir un album consistant et homogène?
A vrai dire je ne sais pas exactement comment je fais, autrement que de considérer l’album comme un ensemble de récits. Souvent avant de faire une pièce, je la compose dans ma tête, ou je visualise le récit qui va constituer l’album que je désire réaliser. Quand je passe à l’enregistrement, il se trouve que parfois c’est assez similaire à ce que j’avais imaginé à la base, et parfois ça prend une tournure tout à fait différente. Une fois que j’ai un ou deux morceaux satisfaisants, le reste c’est comme finir une histoire ou un puzzle, à trouver les pièces qui correspondent.
Collaborez-vous avec d’autres musiciens? Dans quel cercle musical voyez-vous vous-même et votre musique? Proche de quels artistes, musiciens etc. ?
Pour être honnête, je n’ai pas du tout réalisé de collaboration récemment. En ce moment je suis plus occupé à me perdre dans mes propres enregistrements et j’ai tendance à perdre la notion du temps. Aussi, je ne me vois faire partie d’un quelconque cercle musical en soi. J’ai la chance de côtoyer des gens, aussi bien au niveau local qu’international, avec qui on partage la même sensibilité et qui font des musiques formidables, et d’être sur un label avec d’autres artistes géniaux.
Votre album Silent March va être réédité en vinyle en 2014. Avez-vous d’autres projets à venir?
Juste après la réédition de Silent March, j’ai Distant Works II qui est prêt pour une sortie en cassette. Cette dernière va être un peu différente de la précédente et de mes autres albums. Sinon je vais commencer à travailler sur un tout nouvel album qui devra voir le jour à la fin de l’année.
Pour finir, pouvez-vous nous dire ce que vous écoutez en ce moment?
Les rééditions récentes du GRM, surtout Bernard Parmegiani, la compilation Electronic Panorama, Alice Coltrane, Luciano Cilio, du vieux hiphop, Lewis « L’amour », Madlib.
(Interview In english)
« What’s the initial trajectory of Secret Pyramid? How is it born? « Â
I started this project in 2009/2010 as an outlet for my own personal solo recordings, and to play a live show or two during that period. I didn’t really think too much about it at the time. I ended up releasing a limited CD-R in 2010, and to my surprise, others seemed to really enjoy it.
Your last LP, Movements of Night, came out in 2013 at the excellent label Students of Decay. How did the collaboration happen?
Alex who runs the label got a hold of The Silent March cassette, and he really liked it. He got in touch and we started talking, and he offered to put out an LP for me.
Where do you place Movements of Night among your musical production and also comparing to your early tape Silent March? Like an evolution, or a prolongation ?
I feel more and more comfortable with the recording/creative process as time goes by. You could say that the newer recordings might be considered to be a bit more mature, which is a given since recording/creating/producing is still a constant learning process for me. However, I do find that the recent album and The Silent March work pretty well together in tandem. They both share differences and similarities, but I can see people who enjoyed Movements to enjoy The Silent March, and vice versa.
You also had an EP, Distant Works I, edited in tape, which you call « a minimalistic approch of the Silent March ». Can you develop a little bit?
These were older recordings that were done in 2010. Shortly after I recorded Ghosts, I started working on The Silent March, and purchased a Reel-to-Reel tape machine, so I started making tape loops and started experimenting with it. The first side of Distant Works I consists of tape loops from this time period. I remember making several loops, digitized them, and then abandoned them. So the first side of the release is made up of those loops sequenced and edited into one long suite. The track on side B is a track I recorded during the fall of 2010. This material didn’t really seem to fit in with what I wanted for The Silent March so it never got used on that album. I revisited the material in 2013, did some editing, and decided to release it.
Can you tell us about your creative process? How do you start a composition and finalize it?
Well it can happen in different ways. Sometimes it just starts out with a simple idea, or even a sound that’s in my head, and then I’ll start sculpting and building it, trying to bring it to life. This is the most common way, and can sometimes be really time-consuming. There are other tracks that almost seem to write themselves in a way. I’ll just play something and record it without any thought, and I’ll listen back and it will be almost finished as is. Sometimes happy accidents play a big part as well, as things just tend to happen unintentionally.
Every composition of Movements of Night has its own harmonic density, but embracing the others like in a serpentine movement. How did you assemble different songs to have an homogenically consistant album?
Well I’m not really sure how exactly I’m able to do it, other than approaching the album like it’s a narrative of sorts. Often times before recording a piece, I’ll actually compose in my head, or envision a narrative in my head of what I want the album to be. I then approach the recording aspect, and sometimes it comes out similar to what I had originally envisioned, and other times it goes in another direction. Once I get a piece or two that I’m happy with, the rest is like finishing a puzzle or a story, and it’s just a matter of finding the right pieces to fit.
Do you collaborate with other musicians? In which musical circle do you see yourself and your music? Close to which artists, musicians etc. ?
To be honest I haven’t really done any collaboration recently. These days I tend to get kind of lost in working on my own recordings, and tend to lose sense of time while doing so. Also, I don’t really see myself as a part of any scene or circle per se. I’m fortunuate to know and be friends with like-minded people who make great music both locally and worldwide, and to be on a label with other great artists.
Your Silent March will be edited in LP in 2014. Do you have any other projects to come?
Shortly after The Silent March gets reissued, I should have Distant Works II ready for release on cassette, this one will be a bit different from the first one, and also from my other recordings. Other than that, I’m gonna start working on the next proper LP, which should hopefully be done by the end of the year.
Finally, can you tell us about what are you listening to these days…
The recent GRM reissues, particularly Bernard Parmegiani, Electronic Panorama compilation, Alice Coltrane, Luciano Cilio, older hip-hop, Lewis’ “L’Amour”, Madlib.