Troisième et ultime volet généalogique du folker visionnaire Ben Cooper. Une saga familiale épique, achevée magistralement.



Voilà, une page se tourne : Ben Cooper vient d’achever sa trilogie. Pour rappel, Radical Face est le projet solo de ce musicien américain (membre du groupe electro pop Electric President, signé sur Morr Music) qui s’est lancé en 2011 dans une ambitieuse entreprise dédiée à l’histoire de sa famille… mis en musique sous forme d’un arbre généalogique ! Parenthèse ouverte, la famille, un thème actuellement en vogue chez les folkers, puisque notre précédente chronique, l’album de Songs For Walter, portait également là-dessus. Pour en revenir à The Family Tree, l’affaire avait été brillamment entamée avec The Roots, où l’écriture folk intimiste de Cooper, augmenté de quelques arrangement pop baroques et envolées somptueuses avait le don de remuer nos sens.

L’auteur de la plébiscité (publicité ?) chanson “Welcome Home” a ensuite poursuivi sa saga familiale avec The Branches en 2013, avec il faut le reconnaître, un peu moins de magie que sur son premier coup d’éclat. Mais The Leaves clôt magistralement ce troisième et ultime chapitre verdoyant. Il n’est heureusement guère nécessaire de connaître les volumes précédents de cette imposante branche tutélaire pour s’immiscer dans les chansons de Ben Cooper. Les paroles du Floridien conservent une partie de mystère autour de ses portraits de familles (“River in the dust”, « The Road to Nowhere »), et laisse plutôt travailler l’esprit de l’auditeur à sa guise.


A l’image de Lord Huron et Timber Timbre, Radical Face est de cette nouvelle génération de musiciens – encore trop peu nombreuse – qui tente de faire souffler à l’Americana un air onirique moderne. Une musique pastorale libérée de ses vieux clivages et de ses constructions classiques, où des nappes atmosphériques peuvent flirter avec des orchestrations de cordes originales, ou encore des field recordings – mise en pratique sur « The Road to Nowhere », composition hybride posée sur une rythmique à la Massive Attack et cernée de cordes, ou encore l’instrumentale “Photograph”, à la puissante évocation cinématique…

On se perd volontiers dans ces mini symphonies sans véritables refrains mais aux envolées certaines, tels “Secrets (Cellar Door)” qui ouvre l’album en empruntant d’abord des inclinaisons mélodiques à la “Welcome Home”, pour finalement opter vers une trajectoire différente, tout aussi passionnante. Outre ce détournement habilement orchestré, l’émotion prend véritablement le pas sur des chansons comme « Everything Cost », à la mélodie délicate au piano imprégnée de notes de mellotron, où « Midnight », et ses choeurs salvateurs, son haut-bois. Point d’orgue du disque, “The Ship in Port” synthétise tout l’art raffiné de Ben Cooper, aussi habile dans la forme que dans le fond : quelques fragiles arpèges de guitare en prélude, puis l’envol au deux-tiers du morceau marqué par un déluge frénétique de violons, signal d’un sprint final bouleversant.

Comme les choses n’ont pas été faites à la légère, un site met progressivement en ligne sur une sorte de carte généalogique interactive où chaque chanson de The Family Tree est minutieusement détaillée. Une autre manière de saisir l’ampleur de l’oeuvre conséquence, achevée par Ben Cooper.

En concert le 17 avril 2016 au Café de la Danse à Paris