Georges VedeauSur les traces de ses ancêtres, dans la poussière et les décibels, David Eugene Edwards lance à bride abattue sa monture Wovenhand.
Ce voyage initiatique sera intense. Star Treatment est une musique pour solitaire. Un repli sur soi salutaire. Pour cette expérience toute personnelle notre seule boussole sera le ciel et les étoiles.
David Eugene Edwards est fidèle à ses préceptes, sa musique est plus que jamais habitée. Ce 9ème album du Wovenhand n’échappe pas à la règle. Son entame est sévère. Happé dès les premières notes de guitares, on est ensuite porté par l’énergie déployée et consommée. Le batteur Ordy Garrison frappe lourdement sur ses fûts, ce morceau ne laisse place à aucun échappatoire. ‘’Come Brave’’ est un bizutage sonore nécessaire. Celui ou celle qui n’encaissera pas cette embardée sonique sera renvoyé à la maison. Les autres, les braves, ont tout compris ! Car la suite du voyage est à l’avenant et contient une suite royale de morceaux incandescents et magnifiques. Chaque étape de cet opus – intense et vivante – ressemble à un quitte ou double. La voix de David Eugene Edwards est un appel au rassemblement. Edwards est un missionnaire. Son histoire explique beaucoup de choses.
Sa mère chanteuse et guitariste a ouvert la voie à son fils Eugene. Dans cette famille de croyants il sera un pratiquant régulier dans la chorale de son église. La batterie sera son premier instrument de prédilection. Ses parents l’éveilleront aussi au son de la bonne musique country, celle de Johnny Cash ou Hank Williams. Lassé des fûts qu’il abandonne au bout de 8 ans, il lui restera un acquis essentiel – le rythme. Cet atout en poche il s’auto-formera à la guitare et au chant. Sa voix de prêcheur et sa foi intense envers la religion, le guideront naturellement vers une musique génératrice d’émotions, de fièvres, et de tensions contradictoires, propice à la rédemption et aux conflits intérieurs.
16 Horsepower sera sa chapelle et celle de nombreux fervents. La communion se prolongera le temps de 4 albums studio (1995 -2002). Le Gun Club de Jeffrey Lee Pierce, Joy Division, ou encore Nick Cave ou Tom Waits seront des influences musicales citées. Il développera un rock typé – Amérique profonde – injecté de country, de blues et de gothique ou se greffera des racines roots et locales. En 2002, sans nouvelles de 16 Horsepower, voit jour le premier album éponyme de Wovenhand. La fin d’une belle histoire ? Sans doute ; en tout cas et pour simplifier, la continuité de la précédente !
En 2016 Wovenhand ne montre aucun signe d’essoufflement. La foi intacte de son leader maintient un flux d’énergie constant. David Eugene Edwards a toujours une bonne raison de chanter. Sont aujourd’hui présents à ses côtés le guitariste Chuck French, le bassiste Neil Keener et le batteur Ordy Garrison, auxquels s’ajoutent, Matthew Smith de Crime & The City Solution au piano et synthé.
Star treatment est un album inspiré, très électrique et très rock’n’roll – dans le prolongement de Refractory Obdurate, qui marquait un nouveau line up – , où chacun des musiciens puisent au plus profond. Il s’est écrit et bâti sur le mouvement des étoiles, des corps et des lumières célestes. L’astrologie associée au thème de la religion a livré de la matière émotionnelle à David Eugene Edwards. Ces nouvelles compositions en sortent bonifiées.
L’endiablé ‘’The Hired Hand’’ par exemple, semble tout droit sortie d’un jukebox infernal. La voie d’Edwards est fantastique et se fond parfaitement dans le rythme du morceau. Le refrain citant l’ancien testament avec ses quelques mots “Give up your Dead” apporte une touche irrationnelle. Ce morceau est un must. On lui associe volontiers : la vitesse, l’urgence et la liberté. ‘’Crystal Palace’’ lui se construit sur les bases d’un mantra dansant et électrique. Gothique dans l’esprit, puissant dans sa réalisation, ce ‘palace de cristal’ diffracte des sonorités entendues en leurs temps, en lugubre et bonne compagnie d’Andrew Eldritch et de ses sœurs de la miséricorde (The Sisters of Mercy).
‘’Crook and Flail’’ surprend par un début quelque peu exotique bien vite interrompu par de persistantes saturations de guitares. La voix lointaine d’Eugene Edwards s’accroche à ses distorsions pernicieuses.
L’album se compose aussi de morceaux plus déstructurés voire expérimentaux. ‘’Swaying Reed’’, le plus emblématique d’entre eux, monte crescendo en tension dans une ambiance pesante. Dans ce surplace apparent où crissent et patinent les guitares et la batterie, la tension est palpable. Eugene Edwards nous interpelle par de longues envolées imposantes pas toujours compréhensibles. Ce morceau impressionnant est sans doute annonciateur de quelque chose.
David Eugene Edwards n’a jamais conçu sa musique en dilettante. Quand on lit certaines de ses déclarations on décrypte son propos par un besoin vital de transmettre quelque chose de spirituel. La musique est un pont pour l’emmener autre part.
’‘All Your Waves’’ est épique et subtile. Ce titre s’étire sur près de 8 minutes. La formation pose somptueusement l’ambiance pendant près de 6 minutes, les 2 dernières sont réservées à une embardée de guitares saturées. ‘’The Quiver’’ suit un peu la même progression. L’entame est magnifique : ses quelques mots posés –‘ Who my mother, Who my brother, Who I am sister ’ suffisent à nous toucher. Il est ensuite difficile de ne pas interagir à cet appel, à cette exaltation toute intérieure. La fin du morceau n’est plus que furie et puissance. ‘’Golden Blossom’’ est le morceau ‘pop’ et optimiste, en apparence. L’horizon s’est éclairci un bref instant. Quand à ’’Low Twelve’’, elle est la conclusion idéale – fiévreuse, électrique et téméraire.
Wovenhand a régulièrement été associé à différents mouvements, aujourd’hui il est courtisé et accaparé par la communauté du métal. David Eugene Edwards reste pourtant stoïque et détaché, car lui-même ne s’est pas de quoi sera fait le lendemain. Ce musicien ne triche pas.
Glitterhouse Records / Differ-ant – 2016
TRACKLIST:
- Come Brave
- Swaying Reed
- The Hired Hand
- Crystal Palace
- Crook And Flail
- The Quiver
- All YourWaves
- Golden Blossom
- Go Ye Light
- Five By Five
- Low Twelve