En provenance de Los Angeles, ce précoce quatuor ravive les braises du rock n’roll décadent. Régressif et donc jouissif.


L’Angleterre brûle à nouveau. Le climat politique actuellement trouble a néanmoins le mérite de faire émerger une enthousiasmante nouvelle génération de rockers prolétaires, loin du formatage généralement en vigueur outre-manche. On pense à des fines lames telles que Idles, Shame, Sleaford Mods… De l’autre côté de l’Atlantique, le paysage politique est encore pire. La jeunesse a besoin de prendre les guitares et évacuer leurs colère et frustration. La méthode n’est certes pas nouvelle, mais on n’a guère trouvé mieux comme défouloir. Et surtout, elle continue de faire ses preuves.

Les quatre lascar(de)s californiens de Starcrawler, tout juste majeurs, se sont engouffrés dans cette brèche rock régressive avec grand fracas. Ici, pas de psyché-rock tarabiscoté, leur glam-punk dévergondé file sans détour, droit au but. Au menu, des amplis qui sifflent, une section rythmique qui s’emballe au quart de tour, un festival de riffs sales et fiévreux puisés à la source des Stooges, le tout grimé d’une esthétique glam/trash façon New York Dolls, voire Ozzy Osbourne pour le mauvais goût assumé. Starcrawler est le groupe « in » du moment, avec tous les effets dévastateurs – date de péremption accélérée – que cela peut leur incomber. Mais pour l’heure, on savoure à grande rasade ce drôle de nectar .

Rien de neuf sous le soleil aux premier abords, et pourtant, encore une fois c’est l’énergie de la jeunesse qui remet ces bonnes vieilles guitares au goût du jour, les réactualisent version 2018. Formé en 2015, Starcrawler rallume donc la flamme du rock n’roll, comme jadis ses prédécesseurs Yeah Yeah Yeahs, L7 ou encore les Runaways. Et dans cet ordre des choses, il faut évidemment “une” leader dotée d’une présence hors-norme. La future nouvelle étoile d’Hollywood Boulevard se prénomme Arrow de Wilde, 19 ans, fille de la photographe et réalisatrice Autumn de Wilde et du batteur Aaron Sperkse, musicien très prisé du circuit indé californien (Beachwood Sparks, Lilys, Father John Misty, Ariel Pink…).

Cette jeune femme à l’allure de brindille presque inquiétante, se transforme en une amazone rock sur scène, et donnerait du fil à retordre à Iggy Pop en personne. Ses prestations décoiffantes, qui commencent en camisole et finissent souvent dans le sang (enfin, faux, le sang…) lui valent d’intégrer à son fan-club Hedi Slimane, Dave Grohl ou encore Elton John (et oui, nous sommes à LA, capitale du show-bizz….).

D’ailleurs, c’est un autre admirateur, Ryan Adams, qui a produit et enregistré dans son studios cette déferlante binaire de 28 minutes. L’album ne manque pas d’hymnes en puissance, à commencer par la décharge « I Love LA », à la disto bien grasse qui décrasse, un « Train » lancé à toute vapeur, ou encore « Pussy Tower »,  bulldozzer qui enfonce tout sur son passage, “Let Her Be”… pratiquement toutes les pistes s’enfilent d’une traite avec un plaisir primaire. Seul reproche qu’on pourrait mettre sur le compte du premier album, un « Full of Pride » niché à la septième piste, qui recycle un peu trop éhontément le « Drain You » de Nirvana… mais il est déjà trop tard, on est  tombé sous le charme, l’erreur est excusée.

Seul « Tears » avant-dernière piste, calme le jeu, et laisser pointer une mélancolie grunge façon Courtney Love. Cela ne plaira pas à tout le monde, mais justement, c’est l’effet escompté ! Starcrawler ne fait pas dans l’engagement politiquement, ou alors peut-être une certaine idée du féminisme, mais avant tout, Starcrawler célèbre juste la liberté, ravive une certaine idée de l' »entertainment rock », du vrai spectacle, un peu oublié depuis cette gangrène de la real TV. Voilà où nous en sommes. Car en 2018, il y a longtemps qu’on ne se fait plus d’illusions sur notre futur. Alors quitte à croire à une cause perdue d’avance, autant que cette conviction soit usée dans la musique, cette magie de l’instant.

Rough Trade/Pias – 2018
Producteur : Ryan Adams

 

Site officiel / Page Facebook

 

Tracklisting : 

  1. Train
  2. Love’s Gone Again
  3. I Love LA
  4. Different Angles
  5. Chicken Woman
  6. Pussy Tower
  7. Full of Pride
  8. Let Her Be
  9. Tears
  10. What I Want