Le retour des soeurs de Boston au côté de son imparable section rythmique période Last Splash, provoque quelques vagues rafraîchissantes sur leur réjouissant cinquième opus.
Comme le chantait si bien les Dandy Warhols, il n’y a pas plus cool sur cette planète que Kim Deal. Du moins au début des années 90, où tout semblait réussir à l’ex bassiste des Pixies. Après la séparation des lutins de Boston en 1992, Kim Deal réactive avec sa sœur Kelley The Breeders et décroche la timbale en pleine explosion Grunge en dégainant le single « Cannonball » issu de leur second album The Last Splash. L’un des premiers tubes de rock indé à atteindre les hautes sphères populaires (rappelons que « Smell Like Teen Spirit » était sorti chez la major Geffen), et certainement un tournant dans l’industrie musicale où les frontières entre labels indépendants et gros labels commencent alors à devenir de plus en plus floues.
Puis les choses se sont gâtées pour l’ex Mrs John Murphy : successions de cures de désintox et autant de changements de line up, quelques singles en solo anecdotiques… Sans oublier évidement la reformation des Pixies dans les années 2000, lucrative mais artistiquement stérile, jusqu’à son départ à nouveau en 2013.
Le dernier album en date des Breeders, Mountain Battles (2008) pêchait par son manque de relief, les sœurs Deal semblant trop occupées à écouter Slint plutôt que d’écrire des chansons. Toujours est-il qu’en 2018, l’attachante et désormais cinquantenaire Kim Deal, a conservé auprès de ses nombreux fans tout son capital de sympathie. Et le retour du line up vénéré des Breeders, période Last Splash – soit les jumelles Deal, la bassiste Josephine Wiggs et le batteur Jim MacPherson – pour célébrer les 20 ans de leur album le plus populaire en 2013, contribue logiquement à cet élan nostalgique. A en juger par les échos de leur excellent concert parisien et leur bonne humeur communicative, les Breeders s’étaient remis sur de bons rails ( à noter que Tania Donnelly, bassiste historique sur le premier album Pod, a quant à elle réactivé Belly! ). C’est donc sans surprise que les complices se sont décidés à retourner en studio enregistrer de nouvelles compositions sous la houlette du producteur Steve Albini.
Si le très enthousiasmant premier single « Wait in the car » nous avait remonté le moral avec ses harmonies vocale candides (Ah ce « Good Morning! »), signature irremplaçable des jumelles, le reste de l’album enfonce également le clou… mais tout en creusant une matière moins accessible que ce à quoi on pouvait s’attendre (« Spacewoman » et ses nappes krautrock, le très tendu morceau-titre « All Nerve »).
On est d’abord frappé par le véritable effort de groupe que dégage l’album dans son ensemble. Aussi épurée soit l’approche instrumental (quelque part entre l’indie pop de Last Splash et le côté sans fioriture de Title TK (2002)), All Nerve fourmille d’idées audacieuses, de progressions d’accords imprévues et de guitares dissonantes employées avec une science de l’économie confondante : l’ouverture « Nervous Mary » qui ne cède pas au refrain facile, les arpèges limpides de « Walking with a Killer », le terriblement poignant « Dawn: Making An Effort ». Et puis bien sûr la versatilité du chant de Kim Deal qui fait des merveilles sur la mini odyssée sonique « Howl at The Summit ».
Même sur les compositions les plus graves ou pesantes ( « Metagoth », très Surfer Rosa), il s’exhale du quatuor un plaisir du jeu, une harmonie redoutable. Ces onze titres symbolisent une certaine idée générationnelle de la quintessence du rock alternatif. Rien de révolutionnaire bien sûr, All Nerve impose naturellement sa légitimité, et donne le sentiment heureux de boire ce nectar à la source.
All Nerve (4AD/ Beggars).
Tracklist:
1 “Nervous Mary”
2 “Wait In The Car”
3 “All Nerve”
4 “MetaGoth”
5 “Spacewoman”
6 “Walking With The Killer”
7 “Howl At The Summit”
8 “Archangel’s Thunderbird”
9 “Dawn: Making An Effort”
10 “Skinhead #2″
11 “Blues At The Acropolis”