Le quatuor de LA continue sur son troisième album son ascension vers les cimes de la pop chimérique, avec l’aide du magicien Dave Fridmann. Une merveille.


Sur The World Enders, le groupe Facebook dédié aux fans de Lord Huron, des centaines d’admirateurs à travers le monde partagent régulièrement des clichés de paysages de montagnes et autres panoramas naturels somptueux, accompagnés bien sûr de paroles de leur formation fétiche. Indéniablement, la musique de Ben Shneider, cerveau du quatuor américain Lord Huron, possède ce puissant pouvoir évocateur de nous téléporter vers de grands espaces.  Fascinant véhicule que sont ces fresques pop/folk chimérique teintées de western, où s’épanche un spleen esseulé, du bout du monde.

Lonesome Dreams (2012) et Strange Trails (2015), les deux premiers albums de Lord Huron, les distinguaient comme sérieux concurrents de Bon Iver et autres consorts amateurs de boiseries sophistiquées (Fleet Foxes, Timber Timbre, My Morning Jacket…). Outre la voix émouvante de Ben Shneider, le pointillisme des compositions sortaient du lot, un travail poussé sur les arrangements, audacieux équilibre entre instrumentation vintage (guitares qui twangs et autre reminescence sixties…) et des nappes atmosphériques oniriques de toute beauté.

Toujours plus loin, toujours plus haut. Pour son troisième album studios, Vide Noir, le quatuor basé à Los Angeles repousse encore les frontières de son expédition sonore, destination la voie lactée – la grandiose entrée en matière “Lost in Space and Time”’ ne peut être plus explicite. Pour cette nouvelle odyssée cosmique, le groupe s’est adjoint les services d’une grosse pointure, le sorcier du son psyché Dave Fridmann, producteur des Flaming Lips, mais aussi MGMT, Tame Impala, Mercury Rev… Un choix judicieux, le metteur en son de Deserter’s Song  ayant indéniablement apporté sa pierre à l’édifice Noir – sa science du son panoramique –  tout en ouvrant de nouvelles perspectives artistiques, sans trop bousculer les fondamentaux du groupe.

En invoquant l’obscurité, Vide Noir tend naturellement vers des ambiances nocturnes. Voilà certainement d’ailleurs l’album de Lord Huron le plus noctambule d’une discographie pourtant déjà coutumière du fait. Et donc par prolongement aussi le plus sombre  –  la chanson- titre, inquiétante et tribale, avec sitar de sortie, navigue par exemple sur les eaux troubles de Timber Timbre.
On pourrait peut-être redouter par moment la tentation de la boursouflure épique mais il n’en est rien. Contre toute attente, le son tend vers le durcissement sur une poignée de titres, version garage rock, sans perdre en chemin ses nuances et autres subtilités. “Never Ever” et le doublé « Ancien Names »(Part I et II) bousculent un peu l’image propre du quatuor en injectant quelques guitares brouillonnes et une batterie impatiente. La greffe est réussie.

Autre détail, les lignes de basse de Miguel Briseño sont davantage mises en avant, soul et claquantes sur le ténébreux « Secret Of Iife », ou ouatée sur la précieuse croonerie “When The Night Is Over”. Encore plus surprenant, l’impressionnant “Moonbeam”, avec ses claviers tordus chipés à Grandaddy, ouvre une nouvelle porte à la bande à Ben Shneider qui mériterait d’être creusée pour le prochain chapitre.  

Avec toutes ces nouvelles enveloppes, Lord Hurdon n’a cependant rien perdu de son talent de l’accroche mélodique avec “Lost In Time And Space,  « The Balancer’s Eye », « Ancien Names »…  Si ces renouvellements sont les bienvenus, aussi réussis soit-il, lorsque Lord Huron s’épanche vers un spleen contemplatif, il demeure intouchable, que ce soit sur “Lost in Time and Space”, ou encore la ballade “Wait By The River”, où plane le spectre de Roy Orbison. Ou encore le finale  “Esmerald Star” avec son orchestration “mercuryenne” (la patte de Fridmann est perceptible!).

A l’aune de ce troisième opus, la popularité du groupe, bien que graduelle depuis ses début en 2010, semble connaître une excroissance stupéfiante : voyez en France, en l’espace de neuf mois, le groupe qui se produisait Point FMR (capacité de 220 personnes) lors de son dernier passage fin janvier, reviendra en octobre prochain au Trianon (1000 personnes). Une ascension réjouissante et méritée, tant Lord Huron avance sans le moindre faux pas artistique. Les astres sont alignés pour que ce nouvel album, soit celui de la consécration.

 

http://www.lordhuron.com/

En concert le 31 octobre à Paris, Le Trianon
 Universal – 2018

Tracklisting :

  1. Lost In Time and Space
  2. Never Ever
  3. Ancient Names (Part I)
  4. Ancient Names (Part Ii)
  5. Wait By the River
  6. Secret of Life
  7. Back From the Edge
  8. The Balancers Eye
  9. When the Night is Over
  10. Moonbeam
  11. Vide Noir
  12. Emerald Star