Du lyrisme et de l’intensité sur un fond de rock onirique, c’est la tonalité du 3ème album en solo de la Californienne Emma Ruth Rundle.


Emma Ruth Rundle est une artiste confirmée. Auteure compositrice et interprète californienne basée à Louisville Kentucky, elle recherche aujourd’hui via sa nouvelle production la puissance et le souffle des grands espaces. L’atmosphère musicale développée sur son troisième LP – qui fait suite à Marked For Death son second de 2016 – est magnétique, un brin mélancolique et très intense. Emma Ruth est une musicienne complexe, peut être habitée par quelques démons intérieurs. Dark Horses en porte les stigmates. Les 8 titres qui le composent ne dévoileront pas dans l’instant tous leurs atouts. L’album forme un ensemble indissociable où chacun des morceaux se nourrit du précédent. Indéniablement, la toile musicale tissée s’avère solide et cohérente. On ne conseillera donc pas de découvrir cet opus par tronçon mais plutôt d’une traite en laissant le charme opéré.

Le choix de produire un rock tendu habité par de fortes sonorités gothiques s’explique peut-être par l’historique déjà bien fourni de la musicienne américaine. En solo aujourd’hui, Emma Ruth a alterné par le passé entre le chant et la guitare, au sein de différents combos (Marriages, Red Sparowes, The Nocturnes) ou plus récemment Jaye Jayle, tous étaient axés sur des musiques dites difficiles (post rock, rock expérimental, post metal, shoegaze ou goth rock).

Comment donc créer un nouvel univers ? … et pour proposer quoi ? Emma Ruth a tranché. Pour ses escapades en solo, elle n’a pas choisi d’évoluer contre nature. Ses riffs de guitares restent saturés avec un gros son réverbéré et une production ample. Sa voix est belle mais chargée d’une mélancolie tenace. Ses textes semblent aussi très personnels. Chacun s’analysant comme une mini rédemption, elle use aussi parfois de la métaphore à l’image du titre de son album. Emma et ses musiciens – Evan Patterson (Jaye Jayle, Young Widows), Todd Cook et Dylan Nadon (Wovenhand) cherchent à apposer une forte empreinte émotionnelle.


Et si la musique produite par la californienne était un équivalent féminin de celle du Wovenhand de David Eugene Edwards ? … mais croisée avec celle de Mark Kozelek (Sun Kil Moon, Red House Painters) pour ce ronronnement de guitares bourdonnantes et imposantes maintenu en apesanteur. On écoute “Control” pour s’en persuader. La basse de Todd Cook y déverse son flot de décibels sur le refrain. Ce schéma va régulièrement se répéter : la voix de Rundle grimpera régulièrement en flèche pour entrainer illico dans son sillage la section rythmique (basse et batterie) puis s’infléchira dans une séquence de respiration, ce moment-là sera très atmosphérique voire fiévreux (on écoute “Darkhorse” et “Fever Dreams” en priorité). Des accents d’Amérique profonde et gothique surgissent çà et là : “Light Song” par exemple où le duo vocal Rundle / Patterson lance leurs sombres imprécations. La parenthèse finale “You Don’t Have To Cry” mérite elle aussi qu’on s’y attarde ; elle débute et se prolonge en mode intimiste (voix de Rundle bien mise en avant dépouillée de tout artifice) puis finit par se consumer dans un crescendo rythmique bien moins ‘grungy’ que ces prédécesseurs.

Dark Horses exerce une certaine fascination musicale. C’est la première qualité de cette production au demeurant bien agréable. Emma Ruth Rundle a très certainement touché sa cible.

Sargent House / 2018

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Tracklist :

  1. Fever Dreams
  2. Control
  3. Darkhorse
  4. Races
  5. Dead Set Eyes
  6. Light Song
  7. Apathy On The Indiana Border
  8. You Don’t Have To Cry