Après un hiatus de six années le guitariste et musicologue des Real Estate renoue avec le mode solo. Welcome to Julian.


Julian Lynch est un crack dans sa catégorie : le musicien de Madison (Wisconsin) et membre à part entière du groupe new yorkais Real Estate depuis 2016, est à quelques encablures d’être titulaire d’un doctorat en anthropologie et en ethnomusicologie. Chapeau donc.

Rat’s Spit septième opus de sa discographie en solo n’est en aucune façon calqué sur son collectif du moment. Les climats sonores développés sont un brin expérimentaux et psychédéliques mais avant tout abondamment rêveurs. La production est complexe et luxuriante, l’agencement sonore s’empile en couches denses et déstructurées liés les unes aux autres par une pléthore d’instruments et d’effets. Julian Lynch a donc intégré en 2016 Real Estate la formation indé de Martin Courtney. Il y assure les parties de guitares. Grand bien lui en a pris car il semblerait que cette vie en collectivité lui a apporté un regain d’énergie créatrice, de la confiance aussi et une envie de poursuivre son histoire entamée en individuel en 2009 et mise en parenthèse en 2013 via son album Lines.

Seul maître à bord sur ce nouvel LP Lynch y joue de tous les instruments, chante de sa voix relaxante et fragile et assure aussi la production. La paternité de ce nouvel album est donc sans équivoque, l’ami Julien assumera les critiques ou se glorifiera des louanges. Sur ses tablettes personnelles depuis cinq ans Rat’s Spit (nom inspiré par un personnage du film « Dungeon Master » (1984)) a été mené en parallèle avec sa thèse. Un long stage sur le terrain dans le cadre de son doctorat à Mamba en Inde l’a éloigné de toute technologie lui permettant ainsi de bien se recentrer sur l’écriture. Le traumatisme de l’élection américaine de 2016 lui fournira aussi les dernières cartouches et apportera à son projet son lot de mauvaises et alarmistes vibrations.

“Catapulting” nous projette spectaculairement dans un voyage aux couleurs musicales riches et luxuriantes. Très orchestral et ambitieux ce morceau flotte comme la voix de son maître. Point de tempo aux crescendos explosifs mais un mantra alimenté par un synthé aérien et quelques soubresauts de guitares saturées. Le single “Meridian” est un cas d’école, Julian Lynch y combine les mélodies et génère des dissonances ; le tempo et la pulsation de la batterie et de la basse sont feutrés, mais sous-jacent une guitare saturée menace et gronde. Ici est bien résumé toute la particularité de cet opus : sa lecture et sa découverte se font sur plusieurs niveaux. Le casque audio est alors fortement recommandé.

L’éponyme “Rat’s Spit” suit le même chemin mais se densifie d’effets luxuriants en se parant d’un supplément d’électronique. Lynch n’abandonne pas pour autant son instrument fétiche – la guitare. Sa 12 cordes est cependant méconnaissable sur “Floater”.

La musique de Julian Lynch est organique, elle renvoie par instant aux ambiances sonores crées en son temps par Ian Master (Pale Saints) via sa formation Spoonfed Hybrid, on peut aussi y entendre un peu de Slowdive ou de Spiritualized. Son style musical est à la croisée d’un post-rock serein, d’une indie planante ou d’une dream pop orchestrale et ambiante. Le songwriter et guitariste du New Jersey n’endosse pas ici le rôle d’un professeur. Cet album de pop moderne n’est pas réservé aux érudits, il est juste bien agréable à l’écoute et très abordable. Il résume en tout cas le travail d’un musicien appliqué et concerné.

Yareachmedia /Underwater Peoples Records – 2019

https://julianlynch.bandcamp.com/music

https://www.underwaterpeoples.com/

Tracklisting :

  1. Catapulting
  2. Meridian
  3. Rat’s Spit
  4. Floater
  5. Peanut Butter
  6. Baa
  7. Strawberry Cookies
  8. Hexagonal Field
  9. Reallu