Guitare espagnol en bandoulière, l’ex Third Eye Foundation, signe un somptueux disque folk crépusculaire, sous le haut-parrainage du Field Commander.


Etrange trajectoire que celle du britannique Matt Elliott. Apparu au milieu des années 90 avec Third Eye Foundation, le Bristolien fut inévitablement associé géographiquement au mouvement Trip Hop. Même si rétrospectivement, son univers lorgnait davantage vers la Drum’ n’ Bass. Et puis sa carrière solo fit comme l’effet d’un rejet violent de tout son attirail Hi-Tech accumulé, opérant une épuration drastique, concentrée sur le songwriting. Avec son bien nommé second album, Drinking Songs (2005), Matt Elliott s’était réinventé autour d’une identité forte : une voix de pilier de comptoir, un décorum folklorique dépravé, imbibé d’une guitare flamenca et d’un bandonéon. Une image de biturin dépressif qu’il prolongera sur les albums suivants. De fait, le lorrain d’adoption fait parti de ses personnalités qui n’ont jamais vraiment été à leur place dans le paysage, mais de fait en impose par leur poésie marginale.

Sur son huitième album, Farewell to All We Know, le Britannique semble avoir définitivement cuvé de sa période Tom Waits. Mais si moins affecté ou pesant, son vague-à l’âme reste bien là, dérivant doucement vers un état de grâce solitaire. Une ambiance brumeuse domine ces dix titres enregistrés aux côtés d’un comité restreint : David Chalmin au piano, de Gaspar Claus au violoncelle et Jeff Hallam à la basse (Dominique A, John Parish…). Une esthétique vaporeuse donc, à l’image de cette pochette signée de la peintre sicilienne Samantha Torrisi où une silhouette se dessine au loin dans les bois. A la 7e plage de l’album, le blizzard orchestré de “Can’t Find Undo” cerné de fantômes glaçants, donne à ce tableau une résonance troublante.

Avec pour modeste accompagnement un duo de six-cordes nylon, quelques notes discrètes de piano égrenées en arrière-plan, sa voix grave et lente, Matt Elliott s’inscrit avec  Farewell to All We Know dans la famille des premiers albums du Field Commander, Leonard Cohen. Mais une oeuvre également cousine du magistral Admiral Fell Promises de Sun Kil Moon, et l’ultime Smog, A River Ain’t Too Much to Love. Pour ce vague à l’âme promené sur des arpèges boisés et aristocratiques, imposant dès le renversants triplé “What Once Was Hope”, “Farewell To All We Know” (et son envolée majestueuse à la Sigur Ros), “The Day After That”.  

Si le titre du nouvel album de Matt Elliott, pourrait paraître prémonitoire en ces temps difficiles et reclus, il faut n’y voir pourtant aucun désir d’anticipation. Car le musicien a fait de l’autarcie son domaine musical de prédilection, ce depuis ses débuts en solo voilà déjà près de vingt ans. L’Anglais solitaire y parle avant tout de ses incertitudes, qu’elles soient introspectives ou sur l’état de ce monde, et ses silences entre les mots parfois en disent plus long que n’importe quelle réponse.  Pour ne pas refermer ce tableau sur un noir définitif, ces « Adieux en grande pompe »  se termine sur une note d’espoir, avec « The Worst Is Over ». Car une fois tombé au plus bas, on ne peut que remonter.

2020 / Ici d’Ailleurs.

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Tracklist :

  1. What Once Was Hope
  2. Farewell To All We Know
  3. The Day After That
  4. Guidance is internal
  5. Bye Now
  6. Hating The Player, Hating The Game
  7. Can’t Find Undo
  8. Aboulia
  9. Crisis Apparition
  10. The Worst Is Over