Deuxième offrande maîtrisée du side project des frères Devendorf (The National), Aaron Arntz (Beirut, Grizzly Bear) et Benjamin Lanz (Sufjan Stevens, Beirut). Une fascinante dérivation kraut post-punk qui ne dénigre pas les mélodies.
Au jeu des familles The National, nous demandons aujourd’hui la fratrie Devendorf. Tandis que d’un côté, les jumeaux guitaristes Dessner s’échinent vainement à façonner – une crédibilité “folk indé”, à la mega pop star Taylor Swift (le doublé insipide Evermore et Folklore l’année dernière), de l’autre, la section rythmique new yorkaise tenue par Scott et Bryan se révèle nettement plus inspirée.
Le deuxième album de leur side-project LNZNDRF mérite en effet d’être copieusement pioché. Né de la rencontre entre les Devendorf bros, Aaron Arntz (Beirut, Grizzly Bear) et le talentueux multi-instrumentiste Benjamin Lanz (Sufjan Stevens, Beirut), le quatuor a déjà sorti un premier album sur 4AD en 2016, d’obédience kraut/post-punk frange synthétique, prometteur mais un peu trop vite bouclé (huit titres enregistrés en quelques jours dans une église de Cincinnati, Ohio) pour que se creuse encore quelques reliefs marquants.
Déjà annoncé par le supérieur EP To A Lake en 2020, le deuxième album de LNZNDRF est une tout autre affaire, cette fois prise avec sérieux par nos quatre esthètes de rectitude punk arty. Soit toujours concentré autour d’un format huit titres, mais cette fois minutieusement élaboré lors de longues sessions de jam chamanique au studio Public Hi-Fi à Austin en septembre 2019. Décalé sur le calendrier pour cause de pandémie, ce deuxième long format sobrement intitulé II, orné d’une pochette aquatique violet turquoise, est une œuvre aboutie de rock kosmische avec un grand K, qui allie à la fois accessibilité et émancipation.
Après une introduction au piano léthargique, le spatial The Xeric Steppe qui ouvre l’album, nous prend de court passé la quatrième minute, rattrapé par une batterie tendue et hypnotique, et des claviers striés qui pourraient damer le pion à des pointures comme le Beak> de Geoff Barrow, ou, pour remonter aux origines tient la distance avec Cluster et NEU!. Grande nouveauté, on identifie des chansons à l’esthétique post punk, dans une veine synthétique où plane le spectre d’Adrian Borland de The Sound, (“Brace Yourself”, “You Still Rip”) voire New order (pour le chant à la fois docile, élégant et ténébreux). Moins frénétique, “Cascade” ouvre une parenthèse plus inquiétante, parfaitement mis en scène, le chant mélodieux de Benjamin Lanz, ouvrant une brèche pop inédite (mais pas trop quand même), le tout happé par des nappes enoesque. La basse tendue façon Hooky sur l’instrumental Chicxulub, digère l’influence inévitable de Joy Division pour nous entraîner dans une spirale space rock qui nous rappelle au bon souvenir des frenchies Yeti Lane.
Aucun concert de ce collectif sans voyelles n’est programmé pour l’instant (contexte sanitaire oblige évidemment), mais on espère qu’à l’avenir le planning bien chargé de The National leur permettra quelques escapades et donner vie sur scène à ces divines pages post-punk.
LNZNDRF – II (autoprod/ Modulor)
Tracklisting:
Side A
1. The Xeric Steppe
2. Brace Yourself
3. You Still Rip
4. Cascade
Side B
5. Chicxulub
6. Ringwooditeµ
7. Gaskiers
8. Stowaway