Les arpèges rêveurs de l’Ecossais Gareth Dickson s’apprécient comme une parenthèse enchantée.
Comme dans un rêve éveillé Orwell Court est un doux murmure et un court instant de bonheur. Dans ces nimbes méditatives Gareth Dickson n’hausse jamais le ton ; ce 4ème album de l’écossais est limpide et mélancolique. Dickson a trouvé sa voie. Seul avec sa guitare acoustique et concentré sur son instrument de cœur, qu’il maitrise à merveille, il exécute une musique en apesanteur. Le temps semble se suspendre au son de ses délicats arpèges, que sa voix feutrée et chaleureuse enveloppe d’une ambiance ouatée. Cette voix justement, il faut à peine quelques secondes pour qu’elle évoque en nous le souvenir du chanteur Nick Drake. Mais Dickson est un oiseau de nuit. L’aube tarde à se lever sur son récital nocturne.
Sa musique n’évoque et n’invoque jamais clairement les racines de son pays – par exemple le folk traditionnel des lowlands, ni même le folk-rock Britannique de ses illustres ainés (Bert Jansch & Co) ; la connexion avec les as du finger-picking et de l’american primitive n’est pas non plus des plus évidentes ; son espace empiète sensiblement et de préférence sur les territoires inconfortables et sombres du post rock. Son jeu de guitare et la progression de ses accords sont minimalistes. A l’instar du post rock sa musique progresse par infimes variations. Il a aussi découvert l’ambiant par la voie du maître Eno. Cette superposition d’univers, ce chaud et froid, crée sa spécificité. De conséquents passages instrumentaux alternent avec son chant. Dans ces courts moments, Gareth Dickson nous chuchote à l’oreille, puis laisse à nouveau les instruments reprendre le cours des événements. Le morceau respire alors, et prend le temps de ciseler un décor sonore. Cet immobilisme musical apparent est à rapprocher de l’univers de Mark Hollis. Orwell Court suggère aussi l’impression d’un enregistrement capté en une prise dans les conditions du direct. Cette homogénéité spontanée est aussi son atout.
Ce musicien a des références. Son parcours de déjà une décennie en atteste. Juana Molina et Max Richter ont travaillé à ses côtés. Il sera aussi repéré par la légende folk Vashti Bunyan grâce à quelques démos envoyées à l’époque sur le label Fatcat. Il deviendra alors son guitariste attitré, et l’accompagnera pour son retour sur la scène après sa longue absence. Son CV s’est construit sur 3 albums principaux : Collected Recordings en2009, The Dance en 2010 et Quite A Way Away en 2012. Des productions satellites ont aussi émergé. Par exemple, sous le pseudo Nicked Drake et le projet Wraiths, il se fera un plaisir fou à réinterpréter un de ses albums de cœur – le Pink Moon de Nick Drake. Un très bel opus live – ‘Invisible String’ – voit également le jour en 2015.
« Two Halfs » est l’ouverture. Dickson y cajole d’emblée sa guitare. Son chant suave et murmuré est déjà là. En invitée exceptionnelle, la voix angélique de Vashti Bunyan demeure enfouie et voilée. Les claviers se font discrets.
« Snag With The Language » fait la part belle aux plages instrumentales. Le chant de Dickson s’y faufile malgré tout. Un léger motif addictif de guitares, comme une mini séquence répétitive, va et vient. Quelques percussions fantomatiques prennent corps. L’écossais flirte avec la musique acoustique et expérimentale. Ce titre évoque la formation Mimir. « The Hinge Of The Year » semble lui se construire sur les mêmes harmonies, mais quelques rayons de soleil viennent réchauffer son jeu de guitare et suffisent à modérer l’humeur du morceau.
Gareth apprécie tout particulièrement les solistes, spécificité qui les obligent à donner le meilleur d’eux-mêmes. Pour mémoire : Dickson est un soliste. « The Big Lie » fait exception à la règle et débute sur quelques pincées de cordes paradisiaques. L’écossais laisse dériver son chant plus qu’à l’habitude, le tempo s’accélère par la suite et introduit le duo Dickson – Celine Brooks. Le mélange des voix est agréable et enjoué.
Le musicien écossais cherche à approcher et retranscrire les sonorités issues de l’univers des musiques électroniques et à l’appliquer à son jeu de guitare. L’instrumental ‘The Solid World’ est peut être le résultat de cette quête. Après toutes ces années le natif de Glasgow cherche toujours : ses effets de reverbs et delays se justifient dans le seul but d’échapper au son traditionnel et ‘’terreux’’ de la guitare acoustique dixit notre acolyte.
Dickson a réussi à insuffler un non-rythme majestueux à son album. Il a apprivoisé le silence … et trouvé la liberté …
‘’Walk in silence, Don’t walk away, in silence‘’ …
Le classique ‘Atmosphere’ de Joy Division clôt ce voyage illuminé. Orwell Court n’est peut-être qu’une illusion !
‘’ Your confusion – My illusion ’’…
Les derniers arpèges de guitares se noient et disparaissent dans les brumes écarlates.
Discolexique – 2016
Tracklisting :
- Two Halfs
- The Big Lie
- Snag With The Language
- The Hinge Of The Year
- Red Road
- The Solid World
- Atmosphere