3e album de ce nantais iconoclaste, mariant folk et français avec dissonances rock anglo-saxonnes. Une excellente alternative, trop méconnue.
Sur son précédent opus, Interludes (2003), était gravée la mention : « Choisissez votre musique de fond ». Mais qu’est-ce qu’une musique de fond ? Une mélodie anodine, sans âme ? Sans détour, on pense aux soirées Apéricube, celles organisés entre amis, une mélodie insignifiante en second plan avec le volume pas trop fort, qui ne perturbera pas le bavardage des invités. Quoi de plus triste qu’une chanson qui a été composée dans l’optique de ne pas vous toucher… ne pas vous perturber les sens. Ce genre mineur doit vraiment obnubiler Thierry Le Coq, car le Nantais persiste et signe sur ce nouvel opus avec un morceau intitulé… “Musique de fond”, qui devait probablement avoir sa place sur Interludes. « des musiques de fond tapissent le temps qui passe » chante-t-il d’ailleurs. Mais chez Le Coq, ce terme n’a au contraire aucune connotation méprisante et fait plutôt référence au passé, un ornement sonore accompagnant quelques souvenirs agréables. Comme une e-card envoyée à sa chérie pour la St Valentin où l’on cliquerait sur l’air choisi…
Les disques de Le Coq mériteraient un peu plus de lumière, d’éclairage public. Signé sur le label du voyageur Pierre Barouh, Saravah, Tête de gondole est le troisième album en 8 ans d’une carrière en solitaire. Sans aucune attache de temps, ni de contrainte artistique, le Nantais publie des albums denses, produits avec audace et un sens de l’économie noble. Le Coq vieillit bien, et cela paiera certainement avec le temps, on est prêt là-dessus à mettre la main au feu.
Le Coq a toujours ainsi privilégié sur ses albums des interludes ébréchés, et l’on doit avouer que c’est ce qu’on préfère chez lui. Ses disques ne sont pas édulcorés, il crie un folk turbulent, parfois persécuté par des bruits dissonants. On retrouve aussi des lignes d’horizon faussement calmes et pleines de vie, qui se réfèrent au paradoxalement peu parlant Mark Hollis (Talk Talk). Avec son vieil acolyte Matthieu Pichon, il tricote des parties de six-cordes boisées magnifiques, belles comme une étincelle d’allumette dansant dans le noir (“Le Fioul », “Erg Song / Reg Song”). Le duo sait aussi désaccorder ses mélodies sereines, provoquer des cassures avec de l’électricité qui se contorsionne pour envoyer baldinguer quelques idées reçues. Le musicien n’a jamais caché sa passion pour le rock sous-terrain américain, Smog, Velvet Underground, les disques de Jim O’ Rourke. On retrouve un peu de ces chers amis dans ses disques, sous-titrés en français et sans arrière pensée.
L’attache pour le chant en français produit de belles choses, tel le remué « Chronique Sismique ». Il fait un peu son Murat, (le déjà mémorable « Il y a bien des semaines pourtant, que je n’ai plus touché tes seins »), mais ça lui va bien. Le mélange entre culture anglo-saxonne et celle du terroir rappelle bien évidemment un autre Nantais avec un grand A. On imagine d’ailleurs que cette comparaison systématique doit finir par l’agacer. Un joli duo qui a donné son titre à l’album, Tête De Gondole pourrait -bien appuyée – faire une percée radio : une ambiance mariachis et une très belle mélodie en forme de valse. On sent le Coq plus léger, ses mélodies subissent cette influence (“La jupe”). “Do Your Thing”, chanté en anglais – une première si l’on ne se trompe pas – se veut délicieusement plus pop et éthéré que d’habitude. Sa voix prend alors les intonations de Matt Sharp (Rentals) et se coordonne très bien à l’ensemble.
Les mélodies de Le Coq se raccordent parfaitement avec ses textes : sentimentales, mais qui ne cachent absolument rien. Vrai, quoi.
-Quelques morceaux en écoute ici
-Le site officiel de Le Coq