Prenez un crayon, une feuille blanche, et tentez de répondre aux questions…En espérant que vous ne souffrez pas d’Alzheimer.
Vous rappelez-vous de Sigue Sigue Sputnik et Fun-Da-Mental ? Pour les premiers, australiens, balayons devant la porte, et reconnaissons qu’il s’agissait d’une vaste mascarade. Un titre, un seul, avait suffi, avec raison ceci dit, à mettre le feu aux poudres, « Love Missile ». Dans les manuels de marketing à destination des maisons de disque, on sera heureux d’apprendre qu’il s’agit du premier groupe d’envergure à avoir incorporé des publicités sur son 33 tours, entre les morceaux, mimant une habitude mercantile nippone des eighties. Original, ludique et – à l’époque – très futuriste. Pour les seconds, menés par une main experte par le bigarré PropaGhandi (tout un programme !), force est de reconnaître leur apport dans les samples asiatiques couplés aux beats drum & bass crasseux ainsi qu’aux sons industriels.
Connaissez-vous Ipecac ? Le label créé par Mike Patton, seul à même de sortir Fantômas, s’est depuis illustré par son ouverture d’esprit (quel bel euphémisme n’est-ce pas ?) avec des noms aussi variés que Dälek, Kaada, Kid 606, Ruins ou la distribution des The Young Gods aux USA.
Vous rappelez-vous des Sugarcubes ? Allez, un effort… Le groupe dans lequel Björk a fait ses armes avait déjà séduit quelques paires d’oreilles, dont celles de votre serviteur. C’était le bon temps où MTV portait encore bien son patronyme « Music » et présentait 120 Minutes, comportant des clips alternatifs qui vous faisaient passer une nuit blanche, celle du dimanche au lundi (aaargh !).
Enfin, savez-vous qui se cache derrière le son mi-angélique mi-épouvante de Sigur Ros ?
Ces quatre questions vous donneront les indices nécessaires pour un début de réponse sur le comment et le pourquoi du disque actuel. En effet, derrière Ghostigital se cachent deux Islandais :
– Einar Örn, électron libre s’il en est, foutraque au possible, pété des plombs comme pas permis, et qui n’était autre que l’alter ego de Björk dans les frétillants Sugarcubes. On jurerait le gars échappé d’un asile. Grave ! Pas étonnant qu’il soit tombé sur Patton…Etait-ce lors des sessions du Medulla de Björk, à Reykjavik ? Autorisons-nous à le penser, car tout concorde.
– Curver, producteur, prof de musique, remixeur de Sigur Ros.
Enregistré à Reykjavik, In Cod we trust – excellent titre, et allusion on ne peut plus claire – sort donc chez Ipecac, qui en a bien sûr vu d’autres, et qui lui offre en prime sur un plateau d’argent des artistes comme Dälek. On fera le malin en soirée devant quiconque devinera sur cette galette la présence de Mark E.Smith (sa voix est devenue ici la lumière au fond du tunnel : c’est dire !), de Steve Beresford, Mugison, Sensational… Le genre est, au choix, hip hop, scratchy, free jazz , électro tendance industrielle et on ne sait trop quoi encore. Tiens, pourquoi pas ce que vous voulez !
Comme tout disque d’Ipecac, affublé des ingrédients ci-dessus, il faut franchement s’accrocher, et ne pas avoir peur au passage des ongles qui raclent le tableau… Le chant de Örn est vraiment plus que désarçonnant (mais pas dénué de talent ni d’intérêt) et les arrangements ont de quoi faire déménager vos voisins (pas négligeable ceci dit, car ça peut toujours servir).
A propos de sampling et de beat plus vite que moi tu meurs – où l’on rejoint SSS et Fun-Da-Mental – on trouve un subtil art dans l’à-propos des extraits choisis (tantôt opéra comme sur l’angoissant « Sense of reason » ou l’apocalyptique « Good morning », tantôt asiatiques dans « Not clean »). Le côté électro débile profond évoquera la folie dérangeante d’Aphex Twin également.
Un disque tout ce qu’il y a de plus allumé. Ça fait du bien par où ça passe.
Le site de Ghostigital