Florian Horwath, jeune compositeur autrichien qui vit à Berlin, nous gratifie de timides présentations avec ce We are all gold. Un microcosme intimiste et singulier qui vaut la peine d’être exploré.


Les âmes sensibles ont trouvé leur nouvelle idole. Une silhouette filiforme, les cheveux en bataille, et une vague ressemblance avec feu Jim Morrisson : voilà un rapide portrait de celui qui se présente comme un songwriter de plus. Pourtant, Florian Horwath tranche immédiatement avec tous ses camarades grâce à une texture vocale hors du commun. Etonnamment haut perchée, tantôt susurrée, tantôt étranglée, souvent malmenée : la voix de l’autrichien dérange à la première écoute. Elle nous remue, nous tire des larmes ou des frissons, via toute l’affectivité qu’elle transporte. L’ouverture « Codeine » est un bon exemple de ce que peut véhiculer son étrange complainte posée sur quelques (quatre!) accords mineurs. Une simplicité assumée qui rappelle, et ce n’est certainement pas qu’une coïncidence, les expérimentations désertiques de Codeine, formation (post) rock des années 90, avec David Grubbs à la batterie. Point de fioritures, ni d’artifices de production : nous voilà face à un artiste qui se confie en égrénant ses obsessions : « I was so afraid of life, I wanted to cut my balls with a knife ; I was so afraid of you I wanted to sniff all the glue ». Tout un programme. Seuls quelques accords plus énergiques associés à l’irruption d’une batterie laissent entrevoir une colère rentrée : « Fever is coming… » annonce t-il. Une fièvre qui retombe très vite, et nous laisse sur une drôle d’impression : a qui avons-nous vraiment affaire ? Un chanteur à fleur de peau, génie des compositions monacales pour qui blessures riment avec épures ? Un artiste facétieux qui caricature à l’extrême la condition des songwriters à la dérive ? Ou pire : un imposteur ?

Ce premier contact a de quoi nous interroger. Si Florian Horwath continue sur cette voie pendant les 12 pistes qui consitutent cet album, l’ennui nous guette. Heureusement pour notre moral, dès la deuxième piste, F. Horwath nous livre un autre aspect de sa personnalité. « Golden teeth » est en effet une sorte de comptine moderne, légère et déglinguée, qui traque les signes extérieurs de vieillesse ; tant physiques (« you start to be old when your teeth turn golden ») que comportementaux (« …when you concentrate »). Le compositeur révèle une plume fine et acérée, friande d’un certain humour noir, tandis que l’instrumentation se montre plus désordonnée sur le refrain : des choeurs approximatifs sur des guitares style Pavement. L’approximation, l’ébauche, l’entre-deux : voilà ce qui pourrait définir en quelques mots la marque de fabrique de Florian Horwath, chanteur qui oublie parfois délibérément de chanter juste. Mais ce qui pourrait constituer une erreur fatale pour tout candidat à un quelconque reality-show musical, s’avère apporter une touche d’authenticité et de désordre maîtrisé. Dans « Half awake », son filet de voix surnage un gospel boîteux, pendant que « Johnny » évoque un Neil Young tout en retenue. Toutefois, sur certains titres, il tient plus du fausset que du chanteur (« I feel you so », presque pénible, ou encore « This is all I need to know »).

Mais on ne saurait s’arrêter devant ces détails vocaux, surtout lorsque, faisant preuve d’une évidente bonne volonté, il délivre des compositions abouties au format plus pop. Ainsi, « When the light came around » frise la perfection, avec sa douce mélancolie et un solo de piano qu’on croirait tout droit sorti de Poem of the river de Felt : une chanson ambitieuse, qui dévoile le potentiel caché de ce faux-neurasthénique. Dans la même veine, « Clear night for love » révèle un côté presque variété, avec son refrain au saxophone, tandis que « The birds » rappelle l’album éponyme du Velvet Underground, par une alliance guitare-orgue-xylophone, éclairée par ce filet de voix qui semble désormais familier. Enfin, « Loss trainingcamp » clôt l’album sur une note festive, dans un esprit baba cool. Tous les artifices sont mis en place pour nous conforter dans cette impression : choeurs, « claps! », harmonica et jumbe. Bref, un morceau qui fleure bon l’amateurisme et le feu de camp.

Au premier abord, We are all gold semble un peu décousu, inégal : aucune réelle unité ne se dégage de cette collection de compositions tantôt épurées et/ou dépressives, tantôt recherchées et/ou festives. Mais au-delà de cette alternance maladroite, il s’avère que cet album saura trouver, en catimini, une place singulière dans notre discographie : celle, affective, de ces disques sans prétention auxquels on s’attache irrémédiablement.

– 4 titres en écoute sur myspace