Les Futureheads persistent dans un rock rusé et imprévisible qui carbure à cent à l’heure. Quelques variations d’ambiances et diversions d’humeurs ne desservent pas leur talent, suprême.
Dans un récent entretien accordé à une revue musicale britannique, les Futureheads se targuaient de ne pas être qu’un simple groupe de punk et entendaient bien le démontrer sur leur prochain brasier rock. Mais tout compte fait, leur premier album éponyme était déjà plus qu’un simple alliage d’accords binaires et de gouaille intempestive, et révélait un jeune quatuor rock, l’un des plus fougueux et audacieux entendus sur le sol de la vieille Europe à l’heure actuelle. Tirant des missives rock déboussolées à souhait, dont quelques riffs ont fait date depuis (le retournant “Decent Days At Night”), Futureheads est un disque increvable, qui ne lasse pas, ce qui est plutôt rare ces temps-ci.
En prélude à la sortie de son successeur, News & Tributes, leur concert dans la salle parisienne du Nouveau Casino il y a trois mois nous avait coupé le souffle. Un set furieux et expéditif, comme devrait l’être toute prestation rock digne de ce nom : entrée en scène 10 minutes avant l’heure habituelle et fin du show 45 minutes plus tard. Ce soir là, le quatuor nous a surpris par sa vélocité et son jeu fluide, magnifiant avec aisance le côté abrupt de certains morceaux gravés sur disque. Il faut vraiment le voir (l’entendre !) pour le croire. Ce fut également l’occasion de jauger la valeur de leurs dernières livraisons, plus variées, qui au final rivalisent déjà de puissance avec leurs aînées.
C’est dire la confiance qu’on porte à l’égard de ce très attendu dernier opus, désormais entre nos mains. En ébullition depuis déjà 6 ans, nos ferrailleurs rock de Sunderland ont voulu étendre leurs capacités vers d’autres horizons plus larges. Afin d’exploiter de nouvelles ressources, ils ont sollicité Ben Hillier, actuellement l’un des plus ambitieux metteurs en son insulaire (Elbow, Doves, Blur…).
Les Futureheads n’ont en vérité pas baissé d’un iota leur niveau d’énergie tout en variant les codes couleurs de leur inspiration. Bien que les progressions d’accords morcelés soient toujours leur apanage, Ross Millard (chant, guitare), Barry Hide (chant, guitare), son frère Dave Hide (chant, batterie) et Jaff (basse) sont parvenus à consolider leur édifice sans se fourvoyer dans les diktats populaires.
Le changement n’est pas vraiment perceptible sur les premiers morceaux, très rentre-dedans (“Yes-No” nous réserve un lâché de distorsion exaltée de première bourre). Ben Hillier a apporté dans ses bagages une puissance de feu sonique indéniable, mais aussi de l’étain pour souder une paire guitaristique et une section rythmique qui entendent bien malmener nos ouies de long en large. La maîtrise de leurs déflagrations dissonantes (“Return Of The Beserker”) ou pures envolées a capella (la bravade “Fall Out”) impressionnent. “Skip To The End” – certainement l’un des titres les plus accrocheurs jamais composés par le carré binaire – décroche d’entrée un riff AC/DCien aux apparences trompeuses, pour brusquement dériver vers d’étranges cassures pop. Les Futureheads sont décidément joueurs.
Les nuances se distinguent clairement sur “Burnt”, qui freine la cadence avec une guitare acoustique, une pop song en détresse incroyablement tendue. Toujours dressés par un mur de décibels brut, certains formats succins rock ne sont pas dénués d’originalité : “Thursday”, seule ballade assumée de bout en bout, louche sérieusement du côté de la “Wilson Beach Bros Connection” avec ses choeurs angéliques, ou encore “Worry About It Later”, composition tranchée en deux, façon Pixies (les choeurs en plus).
“News & Tributes”, le titre qui donne son nom à l’album, apporte une sensibilité poignante qu’on ne leur soupçonnait guère.
«Nouvelles et hommages», les Futureheads joueraient-il double jeu sur leur condition de revivalistes post punk ? La chanson est en vérité un hommage aux victorieux joueurs de l’équipe de Manchester United, victimes du crash aérien du vol G-Alzu AS 57 de Munich, en 1958. Ce fait divers avait à l’époque traumatisé le pays, amputé de ses héros. Que l’Angleterre se console, elle semble avoir trouvé de nouveaux sauveurs en la personne des Futureheads.
– Le site officiel de The Futureheads