Etrange conglomérat d’artistes, Lansing-Dreiden mange à tous les râteliers pop et ne s’encombre pas des incongruités de genres. 36 minutes intenses où la sensation de perte de repères musicaux nous envahit.
Ne surtout pas laisser traîner un morceau de Lansing-Dreiden à la portée de tout auditeur non averti. Si celui-ci tombe sous le charme d’une de leurs chansons sur myspace, le malheureux serait bien rebuté une fois procuré The Dividing Island : psyché, new wave, R&B ou encore heavy metal s’y succèdent sans états d’âme. Plus étrange encore, les styles réaccaparés ne débordent ni ne fusionnent jamais entre eux, chaque chanson y va de son hommage respectueux au genre. Les raisons sont simples : dans la fière intention de conceptualiser à mort sa musique, Lansing-Dreiden instaure une frontière à chaque plage de CD.
Un an après leur second opus autoproduit, The Incomplete Triangle, le mystère s’éclaircit autour de ce « collectif » né en 2000. Quelques récentes dates avec Grizzly Bear sur le sol US ainsi que des expositions à New York ont laissé échapper quelques détails sur leurs intentions. Eclatée entre Manhattan et Miami, cette communauté d’artistes, dont les travaux sont axés sur le reflet d’une société en perpétuelle adaptation, mêle différents supports créatifs : vidéo, peintures, publications, etc. Le thème de cette nouvelle exhibition sonore explore les antres de la « division » : musique et paroles deviennent messagers de cet état, incarné à travers les notions de dualité, de progression ou régression. Mais ne prenons pas nos jambes à notre cou, au vu du résultat, et derrière un discours limite soporifique, The Dividing Island se veut être un disque pop de facture très accessible. Sans renier dans leur discours la notion d’art au diktat « mercantile », ce prétexte leur sauve la mise.
Excellents cloneurs doublés de fins mélodistes, le quintet métisse (on a des photos témoins sur la bio) opère comme sur The Incomplete Triangle les effets flash-back, effectuant un saut ou recul temporel de dix ans après chaque nouvelle plage. L’ouverture en grande pompe “Dividing Island” ne fait certes pas dans la sobriété et louche vers Electric Light Orchestra. Sons de claviers mammouths et choeurs abusés, on baigne dans l’opulence rock 70’s, à la limite du genre progressif. La crainte d’une crise cardiaque se profile à chaque nouvelle écoute, tandis que nos activistes s’évertuent à jongler sans complexe d’un morceau New Wave synthétique branché The Associates (“Two Extremes”) à du psyché garage (“Part Of The Promise”).
Alors qu’on se met à douter franchement de la qualité de la marchandise, le compte à rebours extra-temporel s’enclenche sur le très accrocheur “A Line You Can Cross”, un hypothétique mega tube new wave. Propulsé en 1986 avec une production à la Trevor Horn, ce bug pop ne cache pas ses ambitions : reprendre le flambeau des grosses machines qu’étaient alors Human League ou encore Propaganda. Plutôt bluffant. La machine s’emballe de nouveau avec le délicieux “Our Next Breath”, qui cette fois franchit les frontières de la noble Power pop 70’s à la Dwight Twilley et autres empereurs tels que les Rubinoos. Autre virage radical, l’esprit soul de “One for All” et ses vocalises épatantes continuent de nous brosser le poil dans le bon sens.
Le voyage dans le temps se termine sur “Dethroning the Optimyth”, un morceau aussi déroutant que celui offert en introduction : une disco heavy bien burnée, martelée par une double pédale grosse caisse qui clôt le chapitre de manière « pseudo » grandiose. Appelons un chat un chat : c’est du metal prog hyper technique et donc insipide dans toute sa splendeur. Maître de la dérision ou fieffé imposteur, Lansing-Dreiden parvient pourtant à ses fins : nous déstabiliser et provoquer plusieurs états de sentiments, divisés entre le bien et le mal.
– Le site officiel
– Leur page myspace