Dans leur dernier album, les Tindersticks déploient un degré d’intimité rarement atteint par le groupe.
S’absenter. Se pendre aux paroles susurrées et comme projetées dans une grotte gothique par Stuart Staples, cela fait partie des réjouissances à chaque nouvel album des Tindersticks. Mais quand le groupe décide d’utiliser a minima tout moyen technologique et d’enregistrer ensemble dans les conditions du live, rarement sa musique n’a paru empreinte d’une magie aussi désarmante. Alors que sur The Waiting Room, avant-dernier album en date, l’infusion de cette magie se heurtait parfois à des motifs plus complexes, le choix de cette méthode d’enregistrement épurée ravive le feu mélancolique et l’alchimie si rare du groupe. Est-ce aussi la conséquence du voyage grecque récemment entrepris par son leader, et sûrement propice à oxygéner l’inspiration ? Toujours est-il qu’en ayant pris le soin de se couper des écrans factices, Tindersticks produit un nombre incalculable d’images romantiques et chimériques, comme à leurs habitudes incarnées par la voix de son chanteur et les arrangements minutieusement administrés par Neil Fraser et David Boulter. Et la déconnection est alors totale. Tout au long de l’album, un piano, récemment acquis par Staples et fraîchement installé dans le studio d’enregistrement, couve et structure le squelette lascif de morceaux qui rappellent l’intensité des premiers opus du groupe, au début des années 1990. « For the Beauty » lance l’album, « No Treasure But Hope » le clôt, avec ce même piano qui balise avec classe la bulle temporelle créée par un flot serein de compositions inspirées. « The Old Mans Gait » atteint, en toute simplicité, un très haut niveau de beauté nostalgique. « The Amputees » est la ballade la plus insouciante de l’album, mais dont l’essentiel, cinglant, se cogne encore aux parois de nos pensées fugaces : « I miss you so bad ». « Trees Fall », inspiré par Léo Ferré, avec ses délicates empreintes de cuivres, est sans conteste le sommet de l’album, et un des pics les plus enneigés de l’histoire du groupe. Le gravir c’est atteindre un sublime point de vue et pouvoir alors regarder sur une carte les territoires restant à explorer de nos romances. Tindersticks sera bien là pour nous y accompagner.
Tracklisting :
1. For The Beauty
2. The Amputees
3. Trees Fall
4. Pinky In The Daylight
5. Carousel
6. Take Care In Your Dreams
7. See My Girls
8. The Old Mans Gait
9. Tough Love
10. No Treasure But Hope
Lucky Dog / City Slang
En concert le 31 janvier, Salle Pleyel, Paris