Dans la plus grande indifférence, ce quatuor physicien de la post-pop, accumule depuis treize ans une flopée d’albums tour à tour passionnants et méticuleux. A (re)découvrir d’urgence.
The Sea and Cake sont de ces hôtes du destin, discrets et imperturbables, dont chaque nouvelle rencontre fortuite devient une célébration. Au fil du temps, leur discographie entamée en 1994 s’avère d’une cohérence sans faille, où intelligence d’écriture et prise de risques ne sont décidément pas le fruit du hasard. Le quatuor de Chicago a beau avoir volontairement ralenti la cadence de sortie de ses productions depuis Oui (2000) – soit un album tous les quatre ans – le dernier opus en date, One Bedroom, confirmait une formidable aptitude à continuer d’explorer les profondeurs de leur pop ascensionnelle.
Au grand dam de ses fans dévoués, les délais de livraison d’un album de The Sea and Cake s’avèrent avec le temps de plus en plus longs. Les raisons de cette carence étant largement imputables à la carrière solo et autres activités annexes de ses membres, constitués de barons de la scène rock indépendante de la ville d’Al Capone : l’ex Shrimp Boat Sam Prekop (leader, chant-guitare) et son fervent limier Eric Claridge (basse, également ex Shrimp Boat), le guitariste-pianiste d’Archer Prewitt (ex Coctails) et la batterie de John McEntire (Tortoise, mais faut-il vous faire l’affront des présentations ?). Everybody, nouvelle remise en question artistique, tranche avec les prospections sonores usées sur les trois derniers albums. Leur pop somnambule et immatérielle s’est brusquement solidifiée en une matière brute, lisse comme un roc de granit qui aurait été découpé au laser. Sam Prekop ne cache pas cette fois sa volonté d’accoucher d’un disque rock digne de ce nom, sans artifices. Mais au risque de mettre sa parole en doute, il faut avouer qu’un disque rock conçu selon The Sea and Cake, reste au final un disque de genre inconnu au bataillon.
Climats synthétiques en sourdine, le décharné Everybody se polarise donc sur les sacro-saintes guitares et une section rythmique affirmée. Avec le récent renfort du producteur Brian Paulson (Slint, Wilco), l’arme de prédilection d’Archer Prewitt et Sam Prekop se charge d’apporter les couleurs : arpèges impressionnistes, funk blanc, pédale fuzz, ligne claire surf, ou Pedal steel… Toute cette variété de nuances se fondent sans débordement dans des grilles d’accords fouillées et dissidentes. Et comme par miracle, l’alchimie prend. Si l’approche instrumentale se veut sans fioritures, les compositions au format court et sans détours pratiquent l’incision chirurgicale : l’auditeur une fois anesthésié par la voix timide de Prekop succombe au caractère immédiat de “Up On Crutches”, l’optimiste “Too Strong” ou encore “Introduction” et son tempo suave. Seul “Left On”, petite dérive atmosphérique qui ne franchit même pas les 5 minutes, nous rappelle au bon souvenir des temps « post-pop » pas si anciens.
Avec une constance d’inspiration qui ne lui a jamais fait défaut, le quatuor de Chicago parvient encore une fois à réinventer son identité avec brio. Rarement on aura su contenir dans un même écrin exigence sur la masse et élégance en apesanteur.
– Le site de The Sea and Cake