La scène parisienne a décidé de se refaire une jeunesse, et aujourd’hui beaucoup de groupes voient enfin la lumière des salles de concerts de face. Malheureusement, c’est comme dans la grande distribution, il ne faut pas espérer associer quantité, qualité et bon marché. Nombre de ces groupes, tous mieux peignés les uns que les autres, au mieux déclenchent un frétillement du pied, au pire ne provoquent rien d’autre qu’un ennui poli. Mais le sort peut parfois jouer quelques bons tours au chaland, en lui mettant sur sa route une bonne came, un bon vieux disque garage dans le sens le plus strict. Mad River, trio parisien qui a depuis longtemps passé l’âge du Brevet des Collèges, mené par la fougueuse Kim Ohio Fuzz et le fortiche Fabrice Fortin, livre un premier brulôt frappé, sans filet et sans garde-chiourme. Plongeant tête baissée et poings en sang dans le rock qui fait mal au sternum, Mad River ne s’encombre pas du poids de ses références. Lonely Are The Brave porte en effet très bien son nom. En moins de 45 minutes, la messe est dite, guitares tranchantes, rythmique marteau-pilon, orgue inquiétant et formidable vecteur d’ambiances moites, cordes vocales toujours sous tension, le tout servant de vraies chansons avec une intro, des couplets et des refrains. Il est loin le temps où, les cheveux en crête rouge, il suffisait d’éructer dans un micro en maltraitant une guitare grossièrement branchée sur un ampli 15 Watts pour ameuter les foules et faire couler des litres de bière. L’énergie, ou la rage, ou la colère (appelez ça comme vous voulez) ont maintenant besoin d’un socle. Mad River se distingue ainsi très largement de la masse par des mélodies recherchées et par un jeu carré, témoin des heures passées à user les garages, les caves et les scènes les plus petites de Paris. Le groupe est né en 2002, et pour attendre 5 ans avant de livrer son premier album (après un EP en 2004), ce n’est plus du courage qu’il faut posséder, c’est une foi inextinguible. Et c’est ce qui rend Mad River si sympathique, le trio croit en sa musique, le courage des braves sourd de la moindre note de l’album. Et si l’urgence aurait pu être émoussée par tant d’années de galères, il n’en paraît rien ici. Tout au plus certains passages auraient-ils mérité moins de finesse et plus de spontanéité. Ne boudons toutefois pas notre plaisir, Lonely Are The Brave est un disque direct et efficace, mais qui risquerait bien d’effrayer les collégiens du Gibus.