«[…]Toffsy, Toffsy, toi petit lutin/Toffsy, Toffsy, donne moi la main/Toffsy, Toffsy, tu es plein d’entrain/Toffsy, Toffsy, tu es mon copain[…]». Qui se souvient de ce dessin animé du début des années 80, Toffsy et l’herbe magique, qui voyait un petit lutin à la coiffure improbable vaincre le mal à l’aide d’une herbe musicale ? Et bien le voilà réincarné en Lightspeed Champion. Il n’y a pas d’autre explication, autant de folie et d’allégresse contenues dans ces chansons débridées et multicolores ne peuvent venir que de l’esprit d’un lutin facétieux.
On ne donnait pas cher de la peau des membres des bruyants Test Icicles à l’annonce de leur split. Et pourtant, c’est bien de ce groupe étrange que vient Dev Hynes alias Lightspeed Champion. Et c’est bien cet homme qui a composé Falling Off The Lavander Bridge, album forain et totalement barré.
Né au Nebraska, grandi en Grande-Bretagne, Dev Hynes a baigné dans un univers musical schizophrène qui voyait la pop 60’s des Zombies ou des Kinks jouer à colin-maillard avec la country-folk la plus crue, tout en allant piquer une tête, à l’occasion, dans le métal, le grunge ou le baroque, sans oublier l’intégrale d’Elvis Costello. Après avoir jeté ces musiques dans son shaker, il en ressort une ribambelle de lampions éblouissants, transcendant tous les genres, privilégiant la pop élégante et la pedal-steel. Incompatible ? Que nenni, le lapin bleu à la perruque dévoyée démontre avec une aisance déconcertante que non seulement ce sont deux univers qui se côtoient sans conflit de voisinage, mais qu’en plus ils se fondent l’un dans l’autre le plus naturellement du monde, sans rupture de style, pour broder une country-brit-pop fantasmagorique, défiant les lois de l’attraction en même temps que les chapelles.
S’il désacralise ces courants musicaux, ce n’est pas pour les piétiner. Au contraire, sous la houlette de Mike Mogis – dont nous avions déjà croisé le chemin sur le formidable Help Wanted Nights de The Good Life, ainsi que chez Bright Eyes -, il les magnifie en leur offrant des compositions renversantes. Les dix minutes de “Midnight Surprise” passent aussi vite que les 3’30 de “Dry Lips”, deux des douze merveilles légères comme des feuilles d’automne offertes sur cet album printanier. Explosion de couleurs (et pas seulement vestimentaires), geysers de mélodies, tempête de liberté, cet album n’a aucune limite, aucune accroche. Sans compter que le petit génie binoclard use et abuse de sa tessiture soul, son chant se posant avec une délicatesse infinie sur sa musique. Même les paroles transpirent la hardiesse, abordant des thèmes aussi sérieux que son premier amour, la masturbation ou la prostitution, avec la gravité d’une libellule.
Autant de facilité nous ferait presque oublier de préciser, si nécessaire, que Falling Off… ne connaît aucune baisse de régime. Chaque titre est un tube en puissance, imprégnant durablement le cortex à la première écoute, et surgissant à tout moment longtemps après que la galette ait cessé de tourner. Preuve d’une musique hautement addictive qui, sous ses airs faussement simplistes, est d’une profondeur inouïe. Lightspeed Champion est d’emblée entré dans la cour des grands. Et il semblerait que l’homme ne soit pas près de s’arrêter là puisqu’un deuxième album serait presque terminé.
Laissons donc le dernier mot à notre ami à tous : «[…]Toffsy, Toffsy, tu as le coeur en fête/Toffsy, Toffsy, tu chantes dans ta tête/Toffsy, Toffsy, toi tu nous rends heureux/Toffsy, Toffsy, tu es si joyeux…/Toffsy, Toffsy, tu nous rends heureux ![…]»
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