Avant de revenir courant 2004 avec un nouvel album laissé en chantier au profit de Hai!, The Creatures explore avec cet opus la face japonisante de leur musique. Un projet qui reconciliera les fans de la première heure et enchantera les amateurs de l’étrange et des rythmes tribaux.


En recevant ce nouvel opus des Creatures il y a déjà quelques mois le hai! du titre de l’album tomba à pic, puisque le plaisir de retrouver le duo Budgie-Siouxsie Sioux fut suivi d’un long et ferme Yes!. Toutefois aux premières écoutes du disque, l’enthousiasme du début retomba un peu. Puis, comme tout grand disque une fois la tension libérée, les compositions adoptées, l’ambiance familiarisée on cède à cette séduction lente mais définitive.

Aux premiers abords, en effet hai! peut paraître distant et froid car la tâche n’est pas aisée d’entrer dans l’univers créé par les Creatures. Même s’ils nous avaient habitué à traiter leurs chansons avec une écriture minimaliste, sombre portée par des percussions, ce nouvel album pousse l’auditeur dans ses retranchements et nécessite une attention et un tésir d’être remué, en un mot de dire Oui!

Dès le premier EP Wild Things, enregistré en 1981 lors des sessions studios pour l’album Juju de Siouxsie and the Banshees, l’atmosphère des Creatures était posée. Un jeu tendu renforcé par la voix ascétique de Siouxsie Sioux et les percussions claniques de Budgie. Au fil des années, le duo a peaufiné son son pour aboutir à des compositions dépouillées mais diversifiées, empreintes de sonorités ethniques (africaines, polynésiennes, hispanisantes et asiatiques) et où les rythmes électroniques font également leur apparition.

Avides d’expérimentations, Siouxsie Sioux et Budgie se consacrent pleinement dès 1996 à leur nouveau projet, à mille lieues du champ restreint et limitatif de la pop. Sur les cendres de Siouxsie and the Banshees, The Creatures fondent leur label Sioux Records où désormais sortent toutes leurs publications.

Hai! se situe dans cette droite lignée d’expériences laborantines sur le son et les ambiances, voguant entre les échelles musicales européennes et asiatiques. L’électronique se plus discrète et les percussions plus imposantes rappelent dans la structure des albums comme Feast ou Bommerang. Néanmoins, on ne peut pas parler de retour aux sources puisque cet album s’immisce dans les méandres des percussions japonaises pas encore abordés sur disque par le groupe.

Après une reformation éphémère de Siouxsie and the Banshees l’année dernière, et un enregistrement avorté d’un album studio, qui devrait toutefois voir le jour courant 2004, Hai ! est né de la rencontre lors de leur passage au Japon pour le « Seven Year Itch » tour avec Leonard Eto, ancien percussionniste de la troupe Kodo. Par goût d’explorer d’autres sonorités et ainsi enrichir la musique des Creatures, Budgie s’est alors entouré des services de ce magicien du rythme. Entre le taiko (large tambour japonais) et les marimbas l’échange musical a trouvé son alchimie laissant assez d’espace à la voix envoûtante de Siouxsie.

Les compositions s’étendent amplement et de ces plages de silence peut naître une sorte de malaise, renvoyant une image déstabilisante pour l’auditeur. Mais ce vide n’est en fait que la respiration ralentie des instruments qui ont besoin d’une pause pour trouver toute leur dimension. A l’image du groupe et de la société japonaise, Hai ! est construit autour d’un côté extraverti (naïf « Godzilla ») et un autre plus réservé (le discret « Further Nearer »). Tout est en retenue, entre soumission et acrimonie comme sur le titre « Imagoro ».

La musique des Creatures devient instinctive, minimaliste, mystérieuse et de toute beauté comme à l’image de la pochette du disque due à Kimiko Yoshida. Sur fond plan, une mariée shinto se distingue légèrement dévoilant le bas de son visage sur des lèvres parfaitement dessinées. Une illustration en harmonie avec l’imaginaire développée par l’album Hai!.

Une fois séduit par le chant shamanique de Siouxsie et les percussions cathartiques de Budgie et Eto, il nous est difficile de revenir indemne de ce voyage dans l’étrange. Mais c’est bien cet engagement vers l’inconnu qui nous fait autant apprécier l’univers des Creatures.

– Le site de The Creatures