Construit autour d’Emmanuel Tugny et de Jacques El, Molypop est un collectif d’artistes au goût prononcé pour le beau verbe et la pop anglosaxonne old school. Sous La Barque (Quand On Creuse), leur premier album, sous la plume de Tugny, rend un hommage discret et élégant à de grands noms hexagonaux, subtile alchimie entre la poésie d’un Manset, le propos naturaliste à message d’un Souchon ou les lignes elliptiques de Jean Fauque. Musicalement, les guitares caressées se voient aidées de compagnons de route colorés : sitar, harmonica, banjo, ukulélé, glockenspiel, morse, mãe de vento, clavecin… Cette caverne d’Ali Baba aiguise l’appétit du groupe et voit les musiciens sauter d’une sonorité à l’autre sans risque d’entorse. Et la musique de jeter des ponts entre les deux continents nord-occidentaux pour une séance de diapos au coin du feu, agréables promenades imaginaires dans les campagnes anglaises ou les studios californiens, n’hésitant pas au passage un petit écart vers le Brésil. Sous La Barque… est un premier recueil mûrement réfléchi, né de cerveaux expérimentés, les musiciens brillant par leur jeu aérien, leur goût des cross-over acoustiques discrets, invitant l’auditeur sur un trapèze accroché aux nuages, lui-même suspendu au clou planté par Bashung. Doux rêve éveillé, tranquille torpeur poétique. Puis, en conclusion, vient “La Pensée 68”, un texte de Tugny l’écrivain mis joyeusement en musique, et qui donnerait envie de prendre la carte du parti, si tant est qu’on nous assurait que les meetings se passent tous dans une telle ambiance. Globalement, seul son chant, plutôt limité et monocorde, plombe un peu l’ensemble, obligeant à s’y reprendre à deux fois avant de porter l’intérêt que ses textes méritent incontestablement. N’empêche, on surveillera de près cette troupe qui annonce déjà enregistrer leur deuxième album alors que le troisième est dans les tuyaux, évoquant l’arrivée d’Olivier Mellano dans un futur proche, une greffe qui prendra probablement sans engrais. En attendant, Molypop redore considérablement le blason de la nouvelle génération de la chanson française, se plaçant d’emblée aux côtés des plus respectables. Et nous de retrouver le sourire.
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