Sortilège du son : plus il se densifie, s’ouvre à des possibles, étend son emprise et se pare de mystères, plus nous le percevons de l’intérieur dans son épaisseur déployée, en son coeur intime. L’instrument, dès lors, d’être ce corps qui passe, et fait passer, découpe, relie, oeuvre à produire du lien et délimiter un lieu commun, un lieu d’écoute(s). Le 20 juillet 2007 au Festival NPAI (situé en Poitou-Charentes), le quatuor Qwat Neum Sixx — composé de Daunik Lazro (saxophone baryton), Sophie Agnel (piano), Michael Nick (violons) et Jérôme Noetinger (dispositif électro-acoustique) — invitait un public attentif à découvrir une architecture sonore immersive, objet de questionnements hic et nunc, structurée comme un espace onirique et sensoriel. Cordes percutées ou frottées, souffle strident ou convulsif, électronique lancinante ou vibrante. Partout, lézardes et scintillements, bruissements et pulsions d’un monde-organisme transporté fait de chair et de sons, chaque instrument donnant le sentiment d’être appréhendé par les musiciens comme un prolongement de leur propre corps (d’ensemble). Un monde d’étrangetés qui, sans cesse, et contre toute attente, nous renvoie à une musique de l’absence, quand bien même on ne voudrait y entendre, à tort, que profusion ou chaos inaudibles. Cela pas seulement à cause des vides, des silences, des pauses autour desquels elle s’articule, mais aussi en raison des lignes abstraites qu’elle déploie comme autant d’horizons fantasmatiques, tel un récit sonore mouvementé et elliptique éludant volontiers l’acceptation courante de mélodie. Cette mélodie, proprement abstraite, se tient ailleurs, hors champ, dans l’expectative, en deçà ou au-delà de ce que perçoit l’auditeur — une matière sonore expansive, inquiétée de toutes parts. Et quand cette dernière fait son apparition à tâtons, comme lors de la quatrième pièce sous les doigts de Sophie Agnel, pour bientôt disparaître à nouveau, c’est le coeur fragile du quatuor que semble soudainement éclairer cette bouleversante respiration.
– Le site de Amor Fati
– Le site de Metamkine
– En écoute : « Piste 5 »