Dans la continuité de nos précédents entretiens avec des critiques musicaux, nous avons rencontré, via le Net, Gilles Tordjman.
Référence dans le domaine de la critique, tant sa pensée et ses diverses expériences d’éditorialiste témoignent d’un esprit alerte et indépendant, parfois sujet de discorde, Gilles Tordjman promène depuis plus de quarante ans une plume rigoureuse et intransigeante, travaillée par d’incessants questionnements et variations, sinon un plaisir d’écrire pour les autres, qui se situe aux antipodes de l’hystérie communicationnelle ou de la médiocrité ambiante. Il revient ici sur les périodes marquantes de son parcours de journaliste culturel et nous livre quelques considérations personnelles qui ne devraient pas tomber dans l’oreille d’un sourd.
Pinkushion : Dans la préface de C’est déjà tout de suite, l’ouvrage qui regroupe vos chroniques parues dans la rubrique éponyme des Inrockuptibles, entre mars 1995 et avril 1997, Éric Holder considère que votre plume participe d’une « troisième voie entre littérature et journalisme ». Est-ce qu’il y a eu d’emblée chez vous ce souci de conjuguer littérature et journalisme dans vos écrits ?
Gilles Tordjman : D’emblée, pas du tout. Et aucun souci de ma part. J’ai commencé à écrire des articles par hasard et par chance, et je me suis simplement présenté à la rédaction du seul quotidien que je lisais alors, Le Matin de Paris. Ce fut un grand journal, créé en 1976 et disparu vers 1988 après des épisodes peu glorieux pour la grande finance dite « de gauche » qui l’avait lancé avant de brader le titre à des financiers encore moins regardants, quand le vent a commencé à tourner.
J’ai débuté par la critique littéraire. Je n’étais ni lettré, ni journaliste, et ma seule méthode était d’imaginer mon exercice. Mes premiers articles ressemblaient d’assez près aux dissertations que je rédigeais en même temps alors que j’étudiais la philosophie à l’Université. Ils étaient verbeux, tarabiscotés, et sans doute pénibles. Mais un certain nombre de gens m’ont fait l’honneur de les trouver intéressants, et du coup j’ai continué, sans plus de méthode. La phrase d’Eric Holder que vous citez m’oblige et me trouble car je n’ai jamais vraiment réfléchi à cet exercice de la critique. C’est ce qui distingue les autodidactes : on doit créer sa forme. On y parvient ou pas, cette forme peut être bonne ou mauvaise, mais c’est un tout autre problème. Si j’ai participé à une « troisième voie entre littérature et journalisme », c’était sans calcul. Ou alors « à l’insu de mon plein gré », comme on dit maintenant.
À vos débuts, avant même d’écrire pour Le Matin de Paris et L’Express, quels étaient les journalistes ou écrivains que vous teniez en estime et qui vous ont guidés vers cette hypothétique « troisième voie » ?
J’admirais les chroniqueurs, les éditorialistes ; en gros tous ceux qui avaient leur nom au début de l’article plutôt qu’à la fin. Bernard Frank, que je ne comprenais pas toujours, me paraissait être le comble de la coolitude. Ce vieux grigou gardait en toute occasion l’insolence du jeune homme qu’il n’a jamais cessé d’être ; un écrivain sans roman (encore que Les Rats, ce n’est pas rien), un Rastignac promis à toutes les gloires, un petit monsieur redouté qui, très vite, décide d’appliquer la maxime de Bartleby — « je préfèrerais ne pas » — et dont toute l’énergie créatrice consistait à boire du whisky avec des jolies femmes et, éventuellement, livrer à des journaux ses réflexions plus ou moins brumeuses sur la littérature. Je n’en demandais pas plus, au commencement. Effectivement, ce genre d’admiration ne prédispose pas à devenir un journaliste dans la norme. Après, si l’on parle des écrivains que j’ai pu admirer, il y en a tellement que nous pourrions y passer des heures. Mais pour répondre le plus honnêtement, et le plus brièvement possible à votre question, je dirais que cette « troisième voie » est avant tout le fruit de l’ignorance : je ne savais pas comment écrire un article ; j’en ai écrit, et c’est tout.
Aviez-vous un domaine de prédilection ?
Pas plus de domaine que de prédilection. J’ai été un adolescent paresseux, et un lecteur tardif. J’ai aimé la musique, comme tout le monde, mais pas de la même manière. Il m’a très vite semblé insupportable de ne pas savoir pourquoi cet art me faisait autant d’effet, et éveillait de telles émotions. Je suis donc devenu musicien pour tenter d’en savoir plus. Par la suite, j’ai rencontré beaucoup de gens souvent aimables, beaucoup de mélomanes qui m’ont expliqué pourquoi ils n’avaient jamais franchi le pas et pourquoi ils n’avaient jamais voulu être musiciens. Ils disaient qu’ils ne voulaient pas risquer de « briser la magie ». Cette raison-là m’a toujours paru être une pure folie : avoir une connaissance intime des oeuvres qu’on aime, par exemple simplement jouer quelques accords de guitare, ne me semble pas pouvoir amoindrir les sentiments qu’une oeuvre suscite. Bien au contraire, le détour par la technique, par l’analyse, ne fait que renforcer les raisons de nos enthousiasmes. Bien sûr, j’ai déjà entendu mille fois l’argument suivant : les critiques d’art ne sont pas peintres, les critiques de cinéma ne sont pas cinéastes, alors pourquoi faudrait-il que les critiques musicaux soient musiciens ? Et je n’ai pas beaucoup varié sur ma réponse : on peut parfaitement parler de musique, l’évaluer, la juger, sans savoir comment c’est fait. Mais cette ignorance, surtout lorsqu’elle est volontaire, revendiquée au nom de je ne sais quelle « magie », expose immanquablement à dire un jour ou l’autre de très, très grosses bêtises.
Voici un exemple particulièrement parlant : il y a un morceau du groupe Montage (une deuxième mouture de Left Banke, soit ce qui à mon gré s’est fait de mieux dans la musique pop des années 60) que j’aime beaucoup, « Men are buiding sand », pour une raison précise : sur le refrain, on y entend dans l’harmonie vocale un frottement de seconde mineure particulièrement raffiné. Figurez-vous que cette « dissonance » est jugée par d’éminents confrères comme un critère disqualifiant qui expliquerait pourquoi Montage est un groupe de série B… Ces gens entendent là un défaut, une fausse note, bref une faiblesse, alors qu’il s’agit manifestement d’un choix délibéré, d’un de ces petits détails fantastiques qui font tout le prix, toute la noblesse roturière, de cette musique-là. C’est juste une erreur de jugement, mais elle me semble exemplaire de la différence entre les critiques qui ne sont pas musiciens et ceux qui le sont un peu. Et cet écart se creuse tellement, au fil des années, que j’en suis venu à me dire, sans fierté particulière, que je n’ai jamais été critique musical. Juste un musicien qui a tenté de gagner sa vie avec la critique.
C’est très différent.
En tant que musicien, préfériez-vous à vos débuts reprendre certains morceaux d’artistes dont vous vouliez approfondir l’oeuvre ou, à ce niveau également, y avait-il un désir farouche de composition personnelle ?
Du désir, il y en a toujours eu ; pas besoin qu’il soit farouche. Et puis tout ça est définitivement moins délibéré, moins réfléchi que « vouloir approfondir » ceci ou cela. Quand on veut jouer de la musique à l’adolescence, ce n’est plus par conformité à un désir parental, on sait déjà très bien ce qu’on a envie de jouer même si l’on n’y parvient pas tout de suite. Après, il y a une différence considérable entre les musiques écrites et les musiques dites « populaires » (je déteste ce genre de distinctions ; j’y reviendrai).
Lorsqu’on joue une pièce dite classique, l’exigence de base est de respecter le texte écrit, le plus scrupuleusement possible. Et c’est dans cette contrainte consentie qu’on peut y gagner une liberté : une même pièce de Brahms ou de Chopin sonnera de manière radicalement différente selon qu’elle est jouée par Arthur Rubinstein ou Sviatoslav Richter. Il n’y a nul besoin d’être particulièrement savant ou cultivé pour faire la différence : il suffit de se laisser le temps et la fantaisie de faire ce genre de comparaisons, ce qui prend dix minutes en vérité ; mais c’est manifestement déjà trop pour beaucoup de gens.
Lorsqu’on joue une musique non écrite, l’impératif est d’être le plus singulier possible. Cela vaut autant en jazz, où l’on essaie d’exprimer une certaine fraîcheur sur des « standards » pourtant bien lessivés par des cohortes de grands improvisateurs, qu’en rock, pop, chanson ou que sais-je. Là, ce qui fait la valeur c’est la manière dont un artiste ne ressemble qu’à lui-même, même s’il s’inscrit dans une histoire, ou dans un réseau d’influences. Après, on ne sait jamais comment viennent les compositions. Du moins, pour les miennes, je n’en sais rien. Il a pu se passer cinq ou dix ans avant que je trouve le bon refrain pour tel couplet — et même ce très grand laps de temps ne garantit en rien la qualité d’une composition. On peut aussi passer beaucoup de temps pour des choses sans importance.
L’important, c’est de faire passer ces choses par soi.
Vos premières amours musicales n’ont-elles pas été d’obédience gothique — Joy Division, Bauhaus, Christian Death ?
Pas du tout. Je suis un plus vieux bandit que ça. Les premières musiques qui m’ont vraiment troublé, quand j’étais enfant, c’était Jacques Dutronc, Nino Ferrer, Barbara. On n’imagine pas à quel point entendre « Les Cactus », ou « Les Playboys » ou « Les Cornichons » a pu être libérateur pour les petits garçons de ma génération. Cela parlait notre langue, la langue de l’enfance. Barbara, c’était autre chose, pas moins important : le grand mystère du monde des adultes, dit par une femme dont je croyais sincèrement qu’elle faisait partie de la famille, vu qu’elle était tellement belle et que j’ai eu cette félicité incroyable d’être environné de gens très beaux. Et puis Nino Ferrer a été décisif, un peu plus tard, dans les années de collège. Un jour j’ai entendu à la radio « Le Sud » et plus rien n’a été comme avant. C’était plus qu’une belle chanson : quelque chose qui change le cours d’une vie. Comme si le ciel m’était tombé sur la tête. J’en parlais autour de moi, pour savoir si c’était une lubie ou si d’autres, par chance, avaient ressenti la même chose. Oui, d’autres l’avaient entendu, mais ils étaient beaucoup moins exaltés. Première leçon : les musiques qu’on aime nous apprennent à accepter qu’on est toujours singulier. « Le Sud » a été cette révélation. Franchement, l’arrivée du Messie ou le débarquement des extraterrestres m’auraient fait moins d’effet que cette confrontation avec les pouvoirs de la musique.
Il a fallu que j’attende d’être étudiant en philo pour entendre, de la bouche d’un prof formidable et peu commode, cette confirmation très simple : « on peut avoir une idée de l’infini en épluchant des poireaux ».
J’ai eu quelques chocs du même ordre, par la suite, mais très peu. Et tous filtrés par cette sorte d’orgueil absurde qui scande la maturité. Désolé, je me suis éloigné de la question : donc, oui, j’ai aimé des trucs gothiques à l’époque, et ce n’est pas plus honteux qu’aimer autre chose. Et je trouve que les trois groupes que vous citez traversent le temps avec une constance assez admirable. Mais c’est une toute petite partie de ce que j’écoutais, puisque dans ces années-là (de 1980 à 1987, en gros), j’ai mis toute mon énergie et presque tout mon temps à étudier le piano. Je fréquentais plutôt Chopin, Schubert, Beethoven, Liszt ou Scriabine. Ce sont des amis fidèles et, encore aujourd’hui, je pense à eux tous les jours.
Jouez-vous encore régulièrement d’un instrument ?
Tous les jours ; plus ou moins bien, et pas comme j’aimerais, car jouer seul ne remplace pas le merveilleux plaisir de jouer avec d’autres. On a toujours des idées plus fraîches quand on discute avec d’autres ; en musique c’est pareil : la communauté rend chaque individu meilleur. C’est une circulation très subtile, et aussi très jouissive, entre le tout et la partie. Et cela me semble valable pour tous les genres de musique : classique, jazz, improvisée, pop, expérimentale, etc. Cela ne veut pas dire que la musique est forcément communautaire. De très grands artistes peuvent nous toucher au coeur par leur solitude. Mais pour ma part, la musique est encore plus belle lorsqu’elle dépasse la somme de ses parties, c’est-à-dire quand elle excède le nombre de ceux qui la jouent.
Revenons à l’écriture critique et, plus particulièrement, à votre statut d’éditorialiste aux Inrockuptibles. Considérez-vous aujourd’hui que ces « années Inrocks » ont été décisives dans votre propre parcours personnel ?
Pas plus et pas moins que toutes les années, mois, semaines et jours qui nous façonnent. Le fait est que, lorsque je suis entré aux Inrocks (mais cela s’est fait, comme partout, progressivement ; quelques piges qui deviennent régulières, puis un statut moins précaire), j’avais déjà une expérience pas très vieille, six ans tout au plus, de la presse quotidienne ou hebdomadaire. Les Inrockuptibles étaient alors une revue très talentueuse et digne d’éloges, mais faite par des gens dont c’était la première expérience de presse. Evidemment, cela créée un décalage qui n’a fait que s’amplifier par la suite, mais vous m’offrez l’occasion de préciser que, contrairement à ce qu’on peut lire ici ou là, je n’en ai pas été « viré », et que j’y ai toujours joui d’une liberté quasi-totale. J’en suis parti de mon plein gré pour faire autre chose, et sans doute parce que je sentais que j’y avais fait mon temps : précisément cinq ans, pendant lesquels j’ai travaillé au passage à la formule hebdomadaire, dans laquelle je ne me suis pas reconnu. Je ne me pose nullement en victime, et je sais ma responsabilité dans cette situation. J’ai aussi beaucoup pêché par naïveté en croyant confusément que ce qui m’apparaissait comme une « bande de potes » devait susciter une adhésion amicale, d’autant que nous étions à peu près de la même génération. C’était une grosse erreur d’appréciation, car il s’agissait simplement d’un journal, donc d’une entreprise, soumise aux rapports sociaux qui vont avec et qui n’incitent généralement pas à la bienveillance mutuelle. J’ajoute que, pour toutes sortes de raisons personnelles, je n’étais pas trop bien dans mes pompes à cette époque, et que j’ai pu blesser des gens par une forme d’arrogance que je regrette. Mais, dans le même temps, j’ai noué de vraies relations avec des lecteurs dont certains, très peu, sont devenus et restent de vrais amis.
Donc, oui, ces années ont été décisives puisqu’elles m’ont appris qu’être bien lu et bien compris par très peu de personnes est déjà un privilège immense. Je doute que les « grandes plumes » qui s’expriment sur tous les plateaux de télévision aient pu connaître ce genre de chance. Je mesure bien la mienne aujourd’hui.
Dans vos éditos pour Les Inrockuptibles, vous avez traité d’une grande diversité de sujets, des affaires de société aux émissions télévisées, en passant par la littérature, le cinéma et, bien sûr, la musique. Cette façon de multiplier les objets d’analyse, d’articuler les points de vue, est-elle celle, finalement, qui vous correspond le mieux, ou, si vous préférez, celle qui vous passionne le plus ?
Très honnêtement, c’était plutôt par goût de la difficulté qui est souvent, en l’espèce, la forme la plus achevée d’un manque de confiance en soi : on imagine qu’il faut être digne de cette liberté d’expression, alors on ne choisit pas un sujet, mais deux, mais trois. Et l’on essaie de voir, par les détours de la fantaisie, comment ils dialoguent ou ce qu’ils ont à nous dire sur notre époque. Le fait est que personne n’en demande autant à un chroniqueur ou à un éditorialiste. Un édito, la plupart du temps écrit par le rédacteur en chef, est une présentation subjective, mâtinée d’opinion, de l’actualité du moment. C’est tout ce que je n’ai pas fait en parlant de Schubert, d’Egard Varèse, ou d’écrivains oubliés dans ces « éditos » qui n’en étaient pas, et pour lesquels le terme légèrement suranné de « feuilleton » conviendrait mieux. Un feuilleton, c’est un rendez-vous régulier avec un écrivain qui s’exprime par le biais des journaux sans autre contrainte que celle du bon plaisir. Et de cette autre idée que j’aime beaucoup, celle de « sérendipité » qui désigne, dans le monde anglo-saxon, cette capacité à « faire des trouvailles heureuses par accident ».
Je ne sais pas si c’est la forme qui « me correspond le mieux », comme vous le suggérez ; c’est juste celle où je pense m’être le mieux épanoui. Car il faut dire une chose qu’on entend rarement de la part de tous ces éminents commentateurs pour qui l’écriture n’est qu’un véhicule, un mode de transmission, pour leurs idées non moins éminentes : pour ma part, j’écris pour savoir ce que je pense. C’est l’élaboration qui révèle l’idée. C’est la forme qui accouche du fond. Ce sont les mots qui construisent nos sentiments, et pas l’inverse comme on le croit paresseusement dans les milieux de la communication. George Steiner l’a encore dit très récemment, et beaucoup mieux, lors d’une récente conférence à l’Ecole Normale Supérieure : il n’y a pas de pensée d’avant le langage. Il y a certes tout un tas de choses importantes : des instincts, des affects, des réactions. Mais c’est bien le langage qui nous invente par prétérition.
Vos premières chroniques de disque, les avez-vous écrites pour Les Inrockuptibles ?
Non, j’en avais déjà écrit (j’ai aussi beaucoup donné dans les journaux de guitare) ; mais c’était effectivement la première fois que cet exercice était régulier, donc qu’il exigeait à la fois une maîtrise technique et la préservation d’une certaine fraîcheur, afin de ne pas tomber dans la routine. Je ne crois pas être exagérément sévère en disant que plus aucune critique de disques, dans aucun journal, ne me donne envie de me précipiter pour écouter tel ou tel artiste, alors que j’ai connu ça en tant que lecteur. Pas souvent, certes, mais fréquemment. Je me souviens ainsi avoir découvert Nick Drake à la fin des années 70, alors que personne n’en parlait, grâce à un article formidable dans une revue qui s’appelait Rock en stock : c’était si beau, si bien écrit, si sensible, que n’importe qui se serait précipité pour acheter les disques en question. C’est ce que j’ai fait dans la minute qui a suivi cette lecture et c’est comme ça que je me suis découvert un compagnon pour la vie, Nick Drake, ainsi que le grand humanisme discret de la critique lorsqu’elle est à ce point généreuse, partageuse, enthousiaste sans nombrilisme ni effets de manche.
Toujours à propos des Inrocks, on entend ou lit souvent que leur qualité s’est progressivement dégradée depuis que la revue est devenue un magazine hebdomadaire. Quel regard portez-vous sur cette évolution et, notamment, sur les récents départs de plumes emblématiques comme Joseph Ghosn ou Richard Robert ?
Je ne souhaite pas m’étendre là-dessus, pour des raisons de loyauté élémentaire et aussi parce que je suis tenu à un devoir de réserve que j’accepte bien volontiers. Maintenant, la réponse que j’aurais pu faire est entièrement contenue dans votre question. Et je crois que chaque lecteur ayant suivi l’histoire des Inrocks doit avoir un avis juste sur cette évolution. Disons que je n’ai jamais rencontré une seule personne qui trouve Les Inrocks d’aujourd’hui beaucoup mieux que ce qu’ils étaient il y a dix ou quinze ans. C’est dommage, c’est un point de vue qui serait certainement intéressant à débattre, si seulement on pouvait l’entendre.
Disons plus largement que c’est le destin de tous les journaux, particulièrement les « généralistes culturels », de décliner après avoir fait leur temps. Et comme je le disais, ce n’est déjà pas si mal d’avoir « fait son temps ». Il y a toujours une dimension oedipienne dans la presse musicale, et c’est tant mieux. Les Inrocks se sont créés parce que quelques jeunes gens cultivés ne se reconnaissaient pas, ou plus, dans Rock‘n folk ou Actuel. Puis des gens plus jeunes, formés à la lecture de la presse par Les Inrocks, ont créé Technikart, pour dépasser Les Inrocks. Ils ont eux-mêmes été poussés dans les orties par une nouvelle génération, encore plus bruyante, vindicative et âpre au gain. Qui sera à son tour débordée par d’autres professionnels de la profession. Tout cela n’est que le commerce bien normal des générations et de la vanité.
Au fond, tous ces braves jeunes gens rompus au name-dropping et à la fast-philosophie (ils ont en général des tas d’idées sur les guignols philosophiques modernes mais il ne faut surtout pas les lancer sur les présocratiques ou sur la grande philosophie arabe du moyen-âge tardif) sont, sous leurs allures de rebelles à deux balles, de bons républicains puisqu’ils rabâchent sans le savoir la merveilleuse ode au capitalisme moderne contenue dans ce vers peu connu de la Marseillaise : « nous entrerons dans la carrière quand nos aînés n’y seront plus »…
Et puis je crois profondément que la presse culturelle française, dont tout le monde constate le déclin inéluctable, n’est pas victime de l’internet, de l’interactivité ou de je ne sais quoi : elle paie simplement le prix de son abyssale médiocrité. Lisez n’importe quel grand article du Times Litterary Supplement, de la New York review of Books, du New-Yorker ou même, pour rester dans la musique, de The Wire : aucun journal français ne peut prétendre boxer dans la même catégorie. En démocratie, on a le gouvernement qu’on choisit, et la presse qu’on mérite, qu’elle s’affuble des oripeaux également réversibles du progressisme ou du conservatisme.
La nullité, comme le chômage, est un choix de civilisation. Après, c’est à chacun d’accepter ou de refuser cette douce dictature.
Je me suis encore vu reprocher par des étudiants, il y a quelques jours, alors que j’animais un atelier d’écriture dans une école des Beaux-Arts, de les emmener « vers de trop hautes sphères ». Je n’ai pas cru bon de m’en excuser, pour la simple raison que je refuse, moi, d’être tiré vers le bas. C’est une réalité dont on ne peut pas se réjouir : la haine de l’histoire, de la culture et de l’intelligence est aujourd’hui libéralement encouragée par les institutions qui prétendent enseigner l’histoire et la culture, mais pour lesquelles l’intelligence est devenue suspecte, au mieux.
En quoi votre participation à L’Evènement du jeudi fut-elle différente de celle aux Inrockuptibles ?
La petite notoriété acquise ailleurs, et pas seulement aux Inrockuptibles, m’a permis de poser mes conditions lorsque j’ai été embauché à L’Evénement du jeudi : je serai éditorialiste (freestyle toutes les semaines), et en tant que journaliste, je voulais pouvoir proposer des articles dans toutes les rubriques — disons Société, Politique et Culture — sans passer par les chefs de service, et en reconnaissant uniquement le pouvoir d’arbitrage du rédacteur en chef. On m’a très libéralement accordé ces prétentions assez folles. Sauf que, manque de bol, le grand manitou de ce journal était à cette époque un homme intense et parfois confus (je tiens à rester poli), parachuté à la tête d’un journal déjà en perdition. Mon statut « exceptionnel », que je n’avais acquis par aucun passe-droit, aucune appartenance communautaire, ni aucune compromission, passait donc aux yeux de nombreux collègues comme un intolérable privilège et prouvait sans doute mon alliance objective avec ce système si brutal, alors qu’il n’était que la conséquence d’un simple culot.
Du coup, j’ai appris là-bas toute la puissance d’une fausse camaraderie, tout le malheur de ces gens qui vous flattent pour mieux vous planter des couteaux dans le dos. Comme j’étais, et que je suis resté, assez naïf, je n’y ai pas compris grand-chose sur le moment. C’est quand le vent a tourné pour le grand rédac’chef en question, et que L’Evénement été revendu à Marianne, qu’on m’a fait comprendre les choses : vu que j’étais l’une des signatures les plus visibles de ce journal déjà invisible depuis belle lurette, il était normal que je passe dans la charrette. Je fus donc, cette fois-là, brusquement débarqué. Et je suis resté, depuis, un « journaliste indépendant », ce qui est le terme politiquement correct pour désigner un intello précaire.
A l’attention de vos lecteurs, je veux préciser très brièvement ce qu’est cette précarité : précisément, dans mon cas, vivre des années durant sans aucun revenu régulier, sans aucune aide ni prébende de l’Etat, et en dessous du niveau de pauvreté défini par les statistiques officielles. Alors, l’espèce de poujadisme anti-médiatique de merde qui fleurit un peu partout sur l’air de « tous copains, tous coquins », vous comprendrez bien que ça m’énerve. Mais je ne me plains pas, et je ne suis pas une victime. Il est loisible de penser que j’ai n’ai juste pas été très malin dans la conduite de ce qu’on appelle une carrière ; sans plus.
Dans la préface du Dictionnaire raisonné de la littérature Rock de Dennis Roulleau, Patrick Eudeline écrit que la littérature qui compte doit tout à Jean-Jacques Schuhl ou Yves Adrien, que « la rock-critique française a révolutionné le roman, l’écrit en général ». Outre que l’on pourrait discuter de la pertinence d’une telle assertion, la première génération des Inrocks ne se situait-elle pas aux antipodes de cette démarche critique, en remettant notamment au coeur de son propos les musiciens et leurs oeuvres plutôt qu’un « je » hypertrophié se donnant à lire sans entrave ?
Pas sûr. C’est une question intéressante, mais qui mérite une approche nuancée. D’abord, je n’ai aucune légitimité pour parler au nom de cette « première génération » des Inrocks, disons celle des fondateurs, pour la bonne raison que je n’en faisais pas partie. Le journal, qui était alors un très beau fanzine, a été créé vers 1986 si je ne me trompe, et je n’y ai pris une part active qu’à partir de 1991. Pour ce que je sais, Jean-Jacques Schuhl ou Yves Adrien représentaient des modèles ou des références pour quelques fondateurs des Inrocks, parce qu’ils incarnaient la parfaite image de l’outsider en littérature et en critique rock. J’admets que ça n’a eu aucune importance pour moi, mais je ne porte aucun jugement là-dessus.
En France, la critique rock volontiers auto-référencée, a pourtant toujours envié le prestige de la littérature. Et il faut rappeler que c’est bien Rock’n Folk qui a relayé cette sensibilité artiste. J’ai ainsi découvert quelques écrivains grâce à ce saupoudrage arty de références littéraires dans les articles de Rock’n Folk. Pour autant, je ne crois pas qu’il s’agissait, comme vous dites d’un « “je” hypertrophié qui se donne à lire sans entrave ». D’abord parce que quelqu’un comme Yves Adrien, qui je le répète ne m’a jamais vraiment intéressé, était plutôt dans la construction d’un personnage, dans un jeu de masques et d’alias directement inspiré par l’attitude d’un David Bowie, qui ne m’intéressait guère plus. Ensuite parce que le propre du « je hypertrophié » est d’être à soi-même sa propre entrave.
Mais là, il faudrait sans doute parler de Jacques Lacan ; un très bon critique rock.
Le regain d’intérêt actuel pour la critique « gonzo », cette propension de plus en plus partagée à faire beaucoup de bruit pour rien, à se faire entendre coûte que coûte, quitte à ne rien dire, n’invite t-elle pas au fond à un constat d’échec quant à l’avenir même d’une critique digne de ce nom qui semble finalement intéresser de moins en moins de lecteurs ?
Mais n’est-ce pas le propre de la critique d’art, depuis longtemps, de faire « beaucoup de bruit pour rien » ? Et de quoi parle-t-on à propos de « critique rock » ? Essentiellement d’un babillage visant à vendre, toutes les semaines, le « meilleur groupe du monde », à l’image des torchons anglais. Personne n’y croit mais tout le monde veut y croire. Ce n’est ni plus ni moins stupide que les magazines féminins qui, tout en se révoltant très fort contre le sexisme, continuent à faire de la réclame pour le « it bag » — le sac à main qu’il faut avoir — ou sur d’exécrables acteurs comme Nicolas Cage ou l’autre crétin de Tom Cruise. La critique « gonzo » dont vous parlez se résume en fait à deux noms : Hunter S. Thompson et Lester Bangs. Plus quelques affidés, comme Alain Pacadis, qui était certainement un homme beaucoup plus complexe, humain et intéressant que ses supposés modèles américains.
Tout cela n’a pas beaucoup d’importance, en tout cas pour moi ; ça m’est toujours tombé des mains. Je préfère mille fois quelqu’un comme Eric Dahan, qui peut parler avec la même élégance d’une soirée dans un backroom ou d’un opéra de Janacek. Ce n’est ni « gonzo », ni « hypertrophié », ni snob, ni élitiste : c’est juste la grande et modeste ambition d’un critique, celle de porter témoignage. J’ai cette espèce de faiblesse, qu’on mettra sur le compte de mon grand âge, de préférer l’élégance érudite d’Eric Dahan au folklore de la déglingue qui irrigue l’imaginaire appauvri de la « critique rock ». Ce folklore répandu la plupart du temps par des gens qui ne prennent aucun risque, font bien attention à leur petite santé et ne dansent jamais dans les soirées, parce que c’est vulgaire.
Dans un édito de Vibrations paru en mai 2004, titré « L’autisme critique », vous regrettiez que la critique délaisse « le risque et l’ardeur », ne cherche pas « à dire quelque chose du monde ». Force est de constater, en effet, que le discours critique musical met rarement en jeu un point de vue sur le monde, que les grands théoriciens, comme ont pu l’être Serge Daney pour le cinéma, sont rares, sinon inexistants, que la critique d’opinion et l’actualité ont le plus souvent pris le pas sur une véritable pensée à long terme, voire une « inactualité » féconde. À quoi attribuez-vous cette carence ?
A une chose toute simple : le manque de générosité, l’absence d’ambition. Daney ne prétendait pas, du moins je crois, se poser en théoricien. Pas plus que l’ami Louis Skorecki. Pas plus, sans doute que l’énigmatique et stimulant Daniel Arasse. Et pourtant, ces gens qui n’étaient ni universitaires, ni théoriciens ont produit des écrits majeurs. Plus encore, ils ont fait une oeuvre. Pourquoi ? Parce qu’on y entend, jusque dans leurs faiblesses, le bruit fracassant du désir. Et c’est considérable, le bruit du désir. Il n’est pas obligatoirement envahissant : il peut être discret comme du Morton Feldman, arachnéen comme du Durutti Column. Léger comme les beaux articles de Michèle Bernstein qui ont fait si longtemps, et à eux seuls, l’honneur de Libération.
L’impensé du critique, c’est l’Ange. Une entité intermédiaire entre le Ciel et la Terre ; un passeur. Comment faire dans un temps où il n’y a plus de distinction entre Ciel et Terre, mais où la distinction entre artistes et spectateurs reste si forte qu’on invente des émissions de télé pour convaincre le public que tout le monde peut être artiste, à condition de se plier à l’humiliation générale ? Contre ça, c’est le rôle, ou ça devrait l’être, du critique actuel : dire que tout ne se vaut pas, que le goût est une belle chose mais qu’il faut en accepter la nature discriminante, et qu’enfin tout est à la portée de tout le monde, mais à la seule condition qu’on se donne les moyens d’y parvenir. C’est une ambition modeste, mais cette modestie est devenue folle. Donc la plupart des critiques s’en tiendront à ce qu’on leur demande : aider à faire vendre des marchandises culturelles. Toute autre ambition, tout autre désir, tout pas de côté, sera sévèrement sanctionné, sur l’air bien connu du « on ne vous en demande pas tant ». Or, tous ces autres critiques, tous ces énergumènes qui ont cette vertu spéciale de donner envie se distinguent justement parce qu’ils ont excédé leur pratique, qu’ils ont essayé de dire quelque chose de leur temps. C’est à ça que je pensais dans le texte que vous citez, « l’Autisme critique », en regrettant que la critique musicale n’ait jusqu’à présent produit aucun Daney, aucun Skorecki, aucun Arasse. Résultat, je me suis fait clouer au pilori par des collègues qui s’étaient senti visés et protestèrent de leur bonne foi en disant que leur ardeur à défendre les « musiques du monde » prouvait leur « engagement politique ». Et donc, qu’ils étaient, eux, les plus parfaits représentants d’une critique musicale qui produit de la critique sociale. Vous voyez le niveau.
Il y a un texte que vous avez écrit et qui m’a particulièrement marqué, c’est celui paru dans le numéro 50 de la revue Mouvement (janvier-mars 2009), « Dix petites variations sur le temps qu’il fait ». Peut-on dire qu’il fut l’occasion d’une sorte de constat personnel après une longue période de silence (suite à votre départ de Vibrations), sinon de bilan personnel après quarante ans de bons et loyaux services quelque peu teintés d’amertume ?
Je vous remercie ; je suis très fier de ce texte. C’est effectivement un bilan, mais pas pour solde de tout compte, puisque je vous réponds encore en qualité de journaliste. Et que j’ai développé plus haut les arguments sur le journalisme culturel que j’y abordais.
Est-ce amer ? Je ne sais pas. Circonspect, perplexe, sans doute. Et peut-être amer, aussi ; mais l’amertume peut être bonne, notamment dans le Campari, ou d’autres apéritifs italiens et baroques. A cet égard, essayez le spritz, chouette cocktail vénitien : 1/3 Campari, 1/3 vin blanc, 1/3 d’eau gazeuse, plus une rondelle de citron.
On peut parfaitement aimer l’amertume, en refusant l’aigreur.
En outre, je n’ai jamais eu de « longue période de silence » : depuis mon départ des Inrocks, j’ai écrit trois ans à L’Evénement du jeudi, trois ans à Epok, quatre ans à Elle et autant de temps à Playboy, sans parler des articles irréguliers ici ou ailleurs. Le fait est que personne ou presque n’a lu ces choses. Ce qui donne beaucoup à penser, non sur mon supposé silence, mais sur le fait qu’on peut être parfaitement invisible et inaudible tout en publiant à tour de bras dans des tas de journaux soi-disant prestigieux.
C’est ce que j’essayais de pointer dans ce texte pour Mouvement : une évolution de la presse qui dépasse de loin mon petit cas personnel. Et cette évolution est la suivante : jusqu’au milieu des années 90, l’éclectisme, la faculté de pouvoir s’exprimer sur divers sujets, la curiosité, étaient des vertus encouragées par les patrons de presse. En très peu de temps, ces valeurs sont devenues des verrues ou des tares. Comme partout ailleurs dans la société, elles ont été supplantées par la pensée d’expertise. D’où le succès de ces journalistes « spécialisés » dans des domaines toujours plus étroits. Et le culte absurde pour la « critique rock » qui est l’un des plus beaux fleurons de cette pensée fragmentaire.
Le simple fait qu’un magazine comme Les Inrocks se soit toujours défié de la musique classique, au seul motif que c’était de la « culture dominante » (entendez ici : élitiste, réactionnaire, guindée, etc.) dit beaucoup sur le conformisme de l’anti-conformisme. Le peu d’articles que j’ai pu écrire sur le sujet — et dont, comme par hasard, personne ne me parle jamais — ou les grands et beaux papiers du regretté Jacques-Emmanuel Fousnaquer, dont j’avais ardemment souhaité la présence dans les premières années de la formule hebdomadaire, n’y ont pas changé grand-chose. La « musique classique » reste « un truc de vieux » aux yeux des faux jeunes encore plus vieux. Le jeunisme est décidément une passion de vieillards. Or, en France, la musique classique est le domaine le plus ouvert, le plus démocratique, le plus intégrant de toute la scène culturelle : écouter France-Musique ne coûte rien, s’inscrire à une médiathèque ne coûte presque rien ; il y a tous les week-ends des concerts gratuits en pagaille ; bref c’est pour tout le monde. Et pour un journal comme Les Inrocks qui, avouons-le, s’est toujours posé en donneur de leçons, cet évitement, ce désintérêt pour la musique classique m’a toujours paru être un gros aveu de faiblesse : ça aurait pu être un beau projet de voir ce qu’on avait à en dire de différent, au lieu de s’abriter derrière le fait qu’il s’agit d’un champ culturel déjà balisé par tous les autres… Non, on a préféré laisser ça aux autres sous prétexte qu’ils en parlaient, alors que le véritable enjeu aurait été d’affirmer « quoi qu’ils en disent, voyons si nous avons autre chose à en dire ».
Je veux bien qu’on m’explique en quoi Charlotte Gainsbourg, Beyoncé ou David Lynch sont beaucoup plus subversifs que Jean-Sebastien Bach, Maurice Ravel ou Arnold Schönberg. Je veux bien tout, si ça m’apprend quelque chose. Sinon, je vais apprendre ailleurs.
En 2006, vous avez sorti un bel ouvrage sur Leonard Cohen. Envisagez-vous, à plus ou moins long terme, de réitérer cette expérience ?
Pourquoi pas ? Ecrire sur ce qu’on aime, parler à ceux qu’on aime, c’est la moindre des choses ; non ?
Gilles Tordjman tient actuellement une rubrique (En coup de vent) dans la revue « indisciplinée » Mouvement.
(sincères remerciements à Gardabelle, qui a gracieusement mis à notre disposition les deux photos ci-dessus)
– Ouvrages cités :
Gilles Tordjman, C’est déjà tout de suite, CERA-nrs Editions, Collection un instant d’histoire, 1998.
Gilles Tordjman, Leonard Cohen, Le Castor Astral, 2006.
– A lire également :
Paroles de critique : Richard Robert (février 2008)
Paroles de critique : Philippe Robert (mai 2008)
Paroles de critique : Guillaume Belhomme (juin 2009)