Pinkushion inaugure une sous-rubrique Transversale : une tribune libre, ou plutôt « Figure libre », proposée à des acteurs de la scène culturelle contemporaine.


Le musicien parisien Damien Mingus, alias My Jazzy Child, également membre de Centenaire, s’y frotte. Après six ans de silence, son troisième album, The Drums, vient de sortir.




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Bonjour Damien,
Dali m’a fait parvenir ton nouvel album, que je trouve très beau, à la fois rêche, tribal et sensible. J’aimerais te proposer une tribune libre inédite sur le webzine. Tu as carte blanche, tu pourrais écrire sur n’importe quoi qui te passe par la tête, que ce soit sur ton album si tu le souhaites, ou bien tout autre chose ayant peut-être un rapport direct, ou détourné, avec ta musique. A toi de voir, si tu le veux bien.
Musicalement,


Paul Ramone.
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Alors voilà, je dois avouer que j’ai été un peu déçu de prime abord en lisant ce mail. Évidemment, pas par les gentils mots de Paul Ramone, qui me vont droit au cœur (parce que c’est justement un disque « rêche, tribal et sensible » que je voulais faire), mais parce que j’espérais un peu que Pinkushion me propose une interview et non pas une « tribune libre ». J’y ai travaillé pendant des heures sur ce disque. Des heures étalées sur plusieurs années. On se dit dans ces cas là qu’on a fait notre part du boulot et que les journalistes peuvent bien prendre le temps de se poser quelques questions sur le pourquoi du comment. Et puis c’est à la fois rassurant et très bon pour l’ego, une interview. On se glisse dans son costume d’artiste et l’on prend pour l’occasion une distance vis à vis de son travail, que l’on a quasiment jamais l’opportunité d’avoir. A ce jour, je n’ai pas encore eu l’occasion de répondre à des questions sur ce disque.

Damien Mingus, My Jazzy Child, février 2011

Peut-être que les journalistes ne s’en posent pas, du reste. On ne peut pas leur en vouloir. Si l’industrie du disque va mal, la production se porte bien. Les groupes continuent à enregistrer des albums, et puisque la course à la vente est désormais hors sujet, le but est surtout de se faire connaitre pour faire des concerts. Moi, je ne ferai pas de concerts pour ce disque : pas vraiment possible d’envisager de le faire seul, ni vraiment le temps, ni l’envie, de former un groupe dans ce but. Je ne compte pas non plus sur The Drums pour m’enrichir ou lancer une fois pour toute une carrière rentable. Que reste-t-il alors ? Et bien, ne pas passer inaperçu. Faire en sorte que ma musique puisse trouver son public, aussi « indie » et « underground » soit-elle. Rien n’est plus gratifiant, finalement, que de savoir que telle chanson rappelle à telle personne une fille, un voyage, une époque… Cela sonne peut être exagérément humble, voir faux cul, mais c’est pourtant bien de cela dont il s’agit avec My Jazzy Child. J’ai participé à suffisamment de projets musicaux pour savoir ce que je veux en faire aujourd’hui.

Mais la petite déception de la non-interview a rapidement laissé place à une sorte d’excitation quasi narcissique. Finalement je suis le premier à qui l’on propose cette page numériquement blanche, et j’en serai donc une sorte de parrain. Et puis surtout il n’y a pas de précédents et je pense que les « pinkushionistes » ne doivent pas s’attendre à quelque chose de précis. « Le tout c’est de se lancer, après ça vient tout seul  » m’a répondu Paul Ramone quand je lui ai dis que le projet m’effrayait un peu. D’accord, je te prends au mot.

Finalement c’est un peu comme commencer un nouveau morceau : on sait que l’envie est là mais on ne sait pas où ça va nous mener. Mises à part une ou deux chansons, je n’ai jamais conceptualisé ma musique avant de faire tourner l’enregistrement. Tout l’intérêt est justement de se laisser surprendre et mener par le bout du nez, jusqu’à ce que le morceau me convienne, presque malgré moi. Ensuite ce sont des dizaines, voir des centaines d’écoutes dont j’ai besoin pour corriger tel détail, tel passage, et surtout pour être certain que je suis prêt à l’assumer pleinement, c’est à dire prêt à le faire écouter à des gens. J’imagine qu’il en sera de même pour ce texte. Peut-être pas. Je m’étais fixé plusieurs objectifs en commençant à l’écrire : parler des motivations et des difficultés à mener à bien un projet de disque en 2011, et saluer du coup le travail de Julien de Clapping Music, qui a le grand mérite d’avoir tenu plus de 10 ans dans une période particulièrement coriace, mais aussi et surtout celui de continuer à sortir des albums dont le seul critère de sélection est le coup de cœur et la certitude de sortir un bon disque.

La rencontre de musiciens, d’activistes, de passionnés est certainement l’aspect le plus enrichissant de tout ce parcours. Ça en est aussi le moteur, lorsque le « à-quoi-bon-tout-ça » pointe son nez. Je me suis toujours dis que j’arrêterai lorsque je stagnerai, en tout cas lorsque je commencerai à m’ennuyer. Et bien ce n’est pas encore le cas aujourd’hui.

– My Jazzy Child, The Drums (Clapping Music)

– À découvrir ici, « A Secret » :

– L’intégralité de l’album est en écoute sur le site de Clapping Music

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