Derrière ce patronyme étrange (traduire dans la langue de Molière « Retenir le néant ») se cache le projet parallèle du songwriter très prolifique Joseph Arthur. Disponible uniquement durant les concerts ou par le biais du net, le travail délivré ici est à prendre comme une récréation artistique avec ses nouveaux camarades de tournée.


Joseph Arthur fait peur. Face à sa créativité bourdonnante – dont il semble avoir beaucoup de mal à limiter le flux – le jeune trentenaire prend un malin plaisir à dilapider ce patrimoine artistique, et ceux avec une insolence insupportable. Dernier exemple en date : plus radical que Pearl Jam, le natif d’Akron grave le soir même son show qu’il met en vente dans l’heure suivante, au grand bonheur des spectateurs surpris d’une telle entreprise. L’année dernière, le bougre a aussi enregistré une bonne cinquantaine de chansons via Redemption Son, les Junky Hearts EP et maintenant Holding The Void. Va-t-il débrancher la prise ou bien finira-t-il par nous écoeurer tout comme Stephen Jones alias « Babybird » le fit après une dizaine d’albums en l’espace de quatre ans? On est en droit de se poser des questions.

Venons-en donc à l’album. Tout d’abord, la couverture. Derrière un pressage rudimentaire (juste les chansons sont notées, aucune date d’édition ni de remerciements…), on reconnaît bien les illustrations « Dada » du bonhomme avec ce mélange de collage papier, de réécriture et de dessins bruts. A l’intérieur du livret, la seule photo du livret Joseph Arthur sur scène le montre triturant sa guitare électrique accompagné de ses musiciens. Une présentation sommaire qui annonce un peu la couleur du contenu sonore.

On ne va pas aller par quatre chemins : point ici de Honey & The Moon, ni de brise-coeur à l’échelle d’un Mercedes. C’est même tout autre, selon la volonté du maître d’oeuvre, « Holding The Void est la réponse garage rock au romantisme de Redemption Son« . On est donc fixé. Avec l’aide de Pat Sansone (Basse) et Reny Lopez (batterie), ses musiciens de tournée, le trio aurait profité de trois jours off à New York pour s’enfermer dans un studio et enregistrer une poignée de chansons dans l’urgence. Et ça se sent. Il se dégage dans l’ensemble un parfum sixties comme on pouvait en entendre sur certains albums live de cette période glorieuse. C’est à dire un enregistrement sans filet en une prise devant une audience restreinte et en retravaillant quelques vocaux. Parfois une guitare faisait office de sparadrap sonore pour gommer les imperfections. Voilà comment on dû se dérouler ses trois jours intensifs de folie rock n’roll.

Dès Candy Store, le ton est imposé : titres courts et ambiance garage à la Strokes pour les plus jeunes ou Sonics pour les pionniers le tout mêlé à l’énergie troublante de feu Nirvana. Sur Blue Jey and Honey Bee, Joseph emploie la bonne vieille formule du riff énorme alterné par un refrain apaisé. Plaisant mais pas très révolutionnaire. Plus loin, Miracle s’impose comme un des plats de résistance de l’album. Quelques clins d’oeil musicaux sont à signaler sur le très grungy Hands Born Dirty et Over Your Shoulder rappelle le phénoménal The Lost Art Of Keeping A Secret des Queens Of The Stone Age, une des récentes influences assumées du songwriter. Parfois, le Joseph Arthur que nous connaisons pointe le bout de son nez sur un Gone Without It d’anthologie.

Après quelques écoutes, l’album tient finalement très bien sur la longueur, même si on peut déplorer que certains titres auraient mérité que le trio se penche davantage dessus (Call A Friend et quelques titres de la fin sont un peu trop bâclé). Mais il reste intéressant d’écouter Joseph Arthur sous un jour nouveau et une production inhabituelle.

L’ensemble reste donc brut de décoffrage et le côté artisanal de la chose procure assurément un certain charme. Conclusion : Holding The Void rempli son contrat de projet modeste sans arrière pensée et peu même prétendre à squatter quelques temps votre platine si affinités.

PS : l’album de Holding the void est disponible en import sur le site de
Fingerprint