Enfin débarrassé des encombrants Haunted Graffiti, Ariel Pink se retrouve à nouveau seul aux commandes. Le ménage ayant maintenant été fait, sa musique en est-elle meilleure ? Verdict.


Après être passé de l’ombre à la lumière en 2010 en venant grossir les rangs du prestigieux label 4AD, et après un Mature Themes en demi-teinte réalisé en 2012, revoilà le trublion inclassable de la pop pyrotechnique qui à lui seul a réussi à botter les fesses du petit monde musical parfois frileux de ce début de 21e siècle. Ariel Pink nous revient donc avec un disque conséquent (17 titres), et qui depuis sa récente sortie, se voit plutôt très bien accueilli par la critique.

Extrêmement clivante, la musique d’Ariel Pink a de ça au moins qu’on l’apprécie ou qu’on la déteste. Pas de demi-mesure lorsque l’on évoque le spécimen californien qui, depuis une quinzaine d’années, est parvenu à tracer sa route, d’abord de manière très confidentielle, avant de devenir depuis 2010 et l’album Before Today une référence indie à qui même les stars en bout de course comme Madonna font à présent des avances. Avances paraît-il par ailleurs déclinées par l’intéressé. Sans la contribution de son backing band et à nouveau seul aux manettes (comme au bon vieux temps, penseront certains), Ariel Pink renoue avec ce qu’il sait faire de mieux : des chansons ubuesques, parfois sans queue ni tête. Mais cela suffit-il à faire de Pom Pom un disque intéressant?

Très copieux, Pom Pom (un mot parait-il tiré du patois jamaïcain pour désigner les poils pubiens féminins), a beau être rempli de titres jusqu’à plus faim, il reste pourtant très difficile d’y déceler des morceaux de choix. Car pour être totalement honnête, ce qui faisait le charme noir et obscur de la musique d’Ariel Pink a en partie disparu. Il en reste aujourd’hui une oeuvre certes toujours très créative, mais dénuée d’urgence et de tout mystère. Que tous ceux qui se souviennent avoir été irradiés à jamais par la beauté inaltérable de The Doldrums et ne se sont pas remis de l’éclatant House Arrest passent ici leur chemin.

Par certains côtés, la musique d’Ariel Pink est tout simplement aujourd’hui devenue ennuyeuse, boursoufflée voire même par moments auto-suffisante. Celui-ci semble vouloir justifier en permanence son statut de « roi de la déglingue » quitte à en faire des caisses et à courir un peu partout comme un dératé après son mojo, sans jamais parvenir à remettre la main dessus. Comme s’il se devait de justifier son aura de « Weird Arty » à tout prix, Ariel Pink se débat comme un beau diable pour faire… du Ariel Pink. Résultat : ce disque en fait définitivement trop et tout le temps. Ça s’agite, ça vise dans tous les coins, mais au final, ça n’en touche quasiment pas une. Comme l’imbuvable « Picture Me Gone » ou l’inutile et crevant « Exile on a frog Street ».

Lorgnant du côté de Zappa, R. Stevie Moore, voire le français Albert Marcoeur (pour tirer la comparaison par les cheveux, même si ce dernier ne doit pas faire partie de ses références), Pom Pom, dégueule de musique où beaucoup de genres aux antipodes se télescopent violemment. Mais là encore, rien de très étonnant de la part de cet artiste qui a fait des mariages musicaux contre nature le coeur même de son oeuvre. Ceux qui ont déjà posé une oreille sur Worn Copy savent de quoi il est question. Lorsqu’à une époque le tir au flanc californien multipliait les coups de folie et les coups de génie avec une régularité de métronome et était capable « d’epic splits » musicaux à la Jean-Claude Vandamme sans craindre le claquement musculaire.

Pour autant, des choses que l’on devine intéressantes surnagent dans ce disque. Il faudra ainsi attendre de se farcir les premières 2 min15 d’atrocités sans nom de « Dinosaur Carebears » pour entendre juste après cette digression proto-dub plutôt excitante et à la hauteur du Ariel Pink d’antan. On aurait par ailleurs aussi très envie de croire à ce « One Summer Night », même s’il n’arrive pas totalement à convaincre. Autre titre qui vise pile dans le mile: « Black Ballerina » qui nous ramène par moments à l’ami John Maus. Durant ces (trop) brefs moments on se prend alors à rêver que l’on retrouve l’éclatant talent de celui qui, quand il veut bien arrêter deux minutes ses conneries, nous gratifie de titres hautement estimables.