Ce quatuor australien nous débarque des antipodes une twee pop dans l’élégante lignée des ainés The Go-Betweens et du label Flying Nun.


Dans l’argot anglais, le mot Twerps se traduit « andouilles ». Mais on vous rassure d’emblée, ces quatre-là sont moins bêtes qu’ils le laissent paraître, et encore moins entendre. Ce quatuor formé en 2008 et originaire de Melbourne, Australie, ne devrait pas laisser insensibles les admirateurs de pop à guitares laidback, joliment brouillonnes et racées. On pense précisément à leurs illustres voisins lettrés de Brisbane, The Go-Betweens et The Appartments, mais aussi au large dans l’océan indien, la vague kiwi culte du label Flying Nun, The Clean, The Chills & co. Des modèles dont The Twerps se revendiquent haut et fort (du moins, au volume maximum de leurs amplis 50 watts).

Avant d’être signés l’an dernier sur le label US Merge Records, The Twerps avait sorti un premier album en 2011 et quelques eps et singles disséminées çà et là dans un esprit DIY. Coqueluches des « college radios » australiens, ces quatre musiciens à l’allure de potes de fac étaient le secret le mieux gardé du pays des kangourous… On en voudrait presque au label qui signa Arcade Fire de s’être entichés d’eux pour les dévoiler aujourd’hui à la face du monde, de peur d’en perdre de leur précieuse innocence.
Car comment expliquer l’intérêt porté autour de ce quatuor somme toute classique (deux chanteurs/guitariste, un batteur et un bassiste) et sans prétention ? Justement, là est leur secret : voilà une musique à l’honnêteté revigorante. Même si il n’y a rien de franchement novateur dans leur twee pop référencée, même si les harmonies chantées à l’unisson par le duo voix/guitares Martin Frawley et Julia McFarlane, sonnent parfois un peu fausses, on perçoit chez The Twerps une justesse et une humilité qui fait défaut à tant d’autres. Toutes ces formations obsédées par le besoin de sonner différents mais qui en oublient l’essentiel : composer des mélodies simples et dignes de ce nom. Et dieu sait qu’il est difficile de faire sonner des guitares aussi simplement. Les Twerps, eux, n’en manquent pas. C’en est même assez remarquable sur ce Range Anxiety, qui mine de rien, perce un peu plus profondément notre cÅ“ur à chaque écoute répétée.

Depuis l’excellent Underlay EP paru l’été dernier et inaugurant leur deal chez Merge, le son du quatuor sur ce second album s’est délicatement « arrondi » et varié sans pour autant dévier de leurs idéaux, avec le renfort du producteur montant locale Jack Farley. Toute proportion gardée, employer ici le mot professionnalisme aurait même ici des consonances vulgaires. L’attitude demeure encore très artisanale, difficile d’en douter à l’écoute des joliment dépouillés « Shoulders » et « Adrenaline », chantés par Julia McFarlane et à ranger tout près du meilleur des éternels juvéniles Bats et Feelies. On ne peut pas dire pour autant que leurs pops songs soient totalement dénuées de mauvais ondes : les paroles se chargent parfois de nous le rappeler sur sur « Fern Murderers », inspiré d’un sordide faits divers.

Signalons tout juste côté fantaisie quelques pédales d’effet amplifiant les arpèges cristallins de « New Moves », à faire pâlir de jalousie leurs anciens compagnons de tournée Real Estate. Et aussi quelques claviers lumineux leur donnant un air de Papas Fritas, voire Yo la Tengo sur l’ouverture « House Keys ». Grâce à « I don’t Mind », ballade velvetienne qui va tension crescendo, le quatuor signe même un classique instantané, celui qui sera longtemps réclamé à grand renfort par le public en rappel lors de leurs concerts.

Finalement, toute la philosophie de ce groupe se résume d’ailleurs dans le titre d’une chanson de l’album, « Simple Feelings », dont le refrain donne irrésistible envie de pousser la chansonette avec eux comme un écolier. Amateurs de twee pop, on vous le répète, plus la peine de se ronger les sangs, l’héritage des Go-Betweens et The Clean est entre de bonnes mains avec ces drôles d’andouilles.