Un an après le singulier Sada Soul, Damien Mingus signe ici un second disque intimiste, où crudité et poésie aboutissent à une oeuvre captivante.


Un an déjà après l’excellente surprise Sada Soul, My Jazzy Child aka Damien Mingus insiste ou plutôt persiste et signe. Ce musicien étonnant, collaborateur d’Encre et autres signatures d’Active Suspension proposait sur son premier album un brassage d’influences passant du psychédélisme expérimental de Robert Wyatt à des folk songs pétries de triturages électro, un étrange mélange de richesse et rugosité qui s’avéra très vite une drogue douce.

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MJCback.jpgPour ce second album enregistré peu de temps après la sortie de Sada Soul, le parisien nous prend à rebrousse-poil, optant pour l’option de réclusion artistique… Un signe qui ne trompe pas : sur la pochette de l’exemplaire promo, il pose seul avec sa guitare acoustique, de la même manière que Nick Drake sur Bryter Layter. Mingus semble vouloir s’extirper du côté « travaillé » du disque précédent pour accoucher d’une oeuvre plus intime, chaleureuse et par prolongement d’idée, folk.

Rangé au placard tout le bardas electro et la co-production – pourtant fructueuse – avec Emiliano Flores, I Insist va vers l’essentiel avec un style rêche, que l’on peut comparer parfois aux premiers Smog. On sent vraiment une volonté d’épuration, et surtout de ne pas tricher. Forcément, le binôme guitare/voix n’est pas révolutionnaire, mais Mingus possède un ton rêche et singulier qu’il cultive avec entrain, soit en jouant sur la corde sensible, par le biais d’une chanson squelettique comme « the actress”, où bien par des arrangements dérangeants, comme ce violon malade sur “it hurts so good”.

On retrouve donc en bonne partie une succession de morceaux folk poisseux, qui peuvent laisser parfois un sentiment de malaise, à l’image d’un film d’Harmony Korine, ce sentiment de vérité et de poésie « crue » qui nous laisse l’impression d’épier un instant clé personnel. “Everybody Song” va dans ce sens : un arpège acoustique rudimentaire ( échantillonné ?) d’où se pose une voix lointaine, susurrée, à la limite de l’inaudible, à tel point qu’on imagine le volume du micro monter dans le rouge pour capter la prise. Mingus ne doit vraiment pas trop être le genre à rameuter le voisin…
On pense parfois aux Microphones pour cette production à la fois rugueuse et inventive, et le format très court des chansons (deux minutes environ, parfois trente secondes).

Il reste tout de même quelques traces des expérimentations du premier album, “AS09 vs As13 », où des choeurs nagent sur un océan de fritures. Et puis au fil du disque, Mingus semble reprendre goût pour le défrichage abstrait, sur “i can always love U”, étrange comptine electro-planante pleine de poésie, et enfin “concertmate plays” évoquant le laboratoire loufoque du Japonais Cornelius.

Le disque, très court, se clôt sur un morceau en forme de jam ambient de près d’une demi-heure, articulé autour d’une seule note limite dissonante. Preuve que Mingus n’a pas changé son fusil d’épaule, et construit une oeuvre sans concession qui -on le redit – va à l’essentiel, et donc touche droit au coeur. Comme une flèche tirée à bout portant.

Lire également My jazzy child – Sada soul

-le site de My Jazzy child

-le site d’Active suspension