Ray Lamontagne, trentenaire au passé tumultueux, livre un album tout en beauté et en émotion qui rappelle autant Neil Young qu’Otis Redding ou les premiers pas de Ryan Adams.
L’histoire de Ray Lamontagne est touchante. Elle pourrait donner lieu à un film. Bringuebalé et élevé avec cinq autres frères et soeurs (tous de pères différents) par une mère courage, il n’a, déclare-t-il, parlé à son père en tout et pour tout qu’une minute trente… Et pourtant il marche sur ses pas puisque ce dernier est musicien. Ayant connu une véritable vie de bohème, Ray se résumera pour sa mère à un mot, qui est aussi – du coup – le titre de son premier album : Trouble.
Vivotant comme ouvrier dans une usine à chaussures, ne voyant jamais la lumière du jour… Un jour cependant, au gré du hasard, il entend dans son radio-réveil une chanson qui va bouleverser son train-train ennuyeux : « Tree Top Flyer » de Stephen Stills lui sonne aux oreilles comme une révélation. A tel point qu’il n’ira pas travailler ce jour-là, préférant faire les magasins de disques à la recherche de Stills Alone, qu’il écoutera ad nauseum.. Il a trouvé sa raison de vivre : la musique, en faire surtout.
A partir de là, il consacre son temps et son énergie à la musique et au chant, qu’il doit impérativement perfectionner. De fil en aiguille, avec quelques coups de main de gens qui succombent à sa musique (dont le gouverneur du Maine qui le présentera à un ponte de la maison de disque Chrysalis), il finira par percer. Véritablement sous le charme, le label lui donne carte blanche et lui offre le services d’Ethan Jones, producteur de Ryan Adams et des Kings of Leon. Le processus d’enregistrement se déroule alors selon un processus très simple : Ray joue de la guitare et chante, puis Ethan Jones rajoute tous les instruments, dont un ensemble de cordes absolument prodigieux.
On peut souligner deux constantes, une soul et une folk-country sur cet album : d’abord, les disques que Ray a découvert à la suite de Stills Alone, comme Otis Redding, Ray Charles d’un côté, Neil Young et Bob Dylan de l’autre, ont véritablement marqué et influencé le bonhomme car leurs ombres sont nettement perceptibles. Comme ces rois de la soul, la voix de Ray y est d’une beauté naturelle, tout en émotion. Et comme ces rois du folk-country, les textes y ont aussi leurs lettres de noblesse (il y est beaucoup question de rêves brisés et d’amour). Les violons sur certains titres (comme « Hold you in my arms ») y sont d’une beauté fracassante : on pense aux Tindersticks aussi, dont on connaît également l’admiration pour les grands noms de la soul. Pour la voix, à Terence Tren d’Arby parfois.
Ensuite, la patte d’Ethan Jones est en effet largement perceptible car on songe très souvent aux deux premiers albums de Ryan Adams, et notamment à ses ballades sirupeuses si bien fichues, comme « Narrow Escape » et son harmonica, ainsi que son choeur féminin (Jennifer Stills). Il y est question d’une certaine Rosemary, dans un bled paumé du Tenessee…See the picture?
« Shelter » y est superbe.
Le disque est excellent. Voilà, c’est dit.
Le site de Ray Lamontagne