La majestueuse dérive des continents.

Qu’écrire sur Calexico qui n’a déjà été écrit ? Quel laurier encore tresser à la paire Burns / Convertino qui n’ait été tressé ?


Depuis quinze ans maintenant, le groupe qui porte déjà en son propre nom la dualité de son essence-même, frontière du Mexique avec la Californie, la rencontre du saxon et du latino, du Burns et du Convertino donc, est un hommage sans cesse renouvelé à l’osmose réussie des cultures différentes.

Nommer en 2012 et par les temps qui courent son nouvel album Algiers, c’est déjà un parti pris artistique, voire politique. Or, si ce nom suggère aussi bien la capitale algérienne qu’un quartier de la Nouvelle-Orléans, Calexico surprend encore une fois son monde en évitant d’offrir un mauvais disque de world music compatissante et ethno-centrée qu’il aurait pu devenir (du raï cajun ?) si ce n’était l’humilité flagrante du duo américain.

Du coup, Algiers continue de creuser le sillon initié d’une musique sans nom qui emprunte aussi bien à la tradition mexicaine – cette sensation mariachi qui n’en porte jamais vraiment le sens traditionnel – qu’à la pop anglo-saxonne – au risque parfois de dérouter l’auditeur en soif de clichés. « No Te Vayas » se rapprochera plus alors d’un Buena Vista Social Club qu’un Roucoucoucou Paloma de cinéma.

Ainsi, Calexico produit une musique qui n’est pas réellement identifiable sur la carte géo-musicale du monde ; en revanche, et c’est bien là toute sa force, son originalité se reconnaît entre mille : cette trompette ici, ce pedal-steel là, et la voix de Joey Burns toujours plus juste, toujours plus ample, qui se bonifie et rend toujours un aspect mélancolique même aux chansons les plus enlevées (« Splitter »).

Se jouant ainsi des attentes pré-supposées, Calexico réussit une fois de plus à délivrer un album aussi riche en mélodies étonnantes (« Para » en single imparable et puissant) qu’en couleurs harmoniques variées mais sans tape-à-l’oeil (quel magnifique « Fortune Teller » !), toujours soutenu par la rythmique impeccablement juste de Convertino.
Comment ressortir donc indemne à l’écoute de ce nouvel album quand le groupe poursuit majestueusement sa marche tranquille en avant, paisiblement mais porté par l’assurance d’un artisanat modeste mais déterminé ?

Et de se rendre donc à l’évidence que la maîtrise de cette mixité culturelle au service du Beau pourrait avoir d’heureux jours devant elle.

Calexico – « Para »