Les californiens continuent leur odyssée acid rock seventies, à grandes doses de psychotropes. Follement moderne et tellement rétro, cette musique hypnotique pourrait réveiller quelques forces occultes.


Les astéroïdes de la Bay Area sont de retour dans notre système solaire. Absents depuis deux ans, ils ont traversé les trous noirs les plus profonds de l’espace. De cette odyssée intersidérale, ils ont ramené avec eux un huitième passager, une masse informe répondant au nom d’Avatar.

Totalement hors-normes, voire hors du temps, les rétro Comets on Fire baignent dans le rock début 70’s le plus extrême qui soit, à faire passer The Raconteurs ou Wolfmother pour Bon Jovi. Le quatuor mené par le chanteur/guitariste Ethan Miller, et qui compte en son sein le guitariste Ben Chasny (Six Organs of Admittance), vit dans une bulle. Une bulle cosmique où les mots Pro-Tools, Lap Top, ou encore Séquenceur n’ont pas encore été inventés. Adeptes des sessions studios pliées en deux jours, leur terreau musical est constitué du jazz-rock progressif de Sweet Smoke et des épopées acid-rock du Quicksilver Messenger Service. Le combo n’a pas forcément bon goût, mais puise dans ses influences un free-rock d’une profondeur viscérale et d’une modernité étonnante.

Pour ce quatrième opus – et second chez Sub Pop – les Comètes en feux sont allées au bout de leurs retranchements. Une écoute distraite d’Avatar pourrait le laisser paraître aux premiers abords moins puissant, limite plus posé que les opus précédents. A vrai dire, il est encore plus dur d’accès. On aura malmené nos esgourdes durant deux bonnes semaines avant de parvenir à se repérer dans ce labyrinthe de drones et de solo écoeurants pour les non initiés.

L’album ne contient que sept titres (soit un de moins que sur Blue Cathedral), mais à l’exception du bref et brutal “Holy Teeth”, le reste ne descend pas en dessous des six minutes. La rage rentre-dedans de “The Bee And The Cracking Egg” qui percutait d’entrée le monumental Blue Cathedral fait place à “Dogwood Rust”, une impro jazz-rock primitive et hypnotique. Arrivés au point ultime des six minutes, on y entend à intervalles minutés des détonations de guitares fuzz hurlantes, à vous provoquer des spasmes d’anxiété.

La musique de Comets on Fire a pris incontestablement de l’épaisseur. Techniquement déjà, les musiciens ont atteint un nouveau palier. Certaines de leurs évagations évoquent dans une certaine mesure le Thelonious Monk quartet sous speed : remplacez les soli du Sax Tenor de Charlie Rouse par le son d’une guitare électrique et vous obtiendrez quelque chose d’assez proche. Clou de cette performance, les duels de guitares fréquents de Miller/Chasny exhalent presque une force cauchemardesque (“Jaybird”, “The Shallow’s Eyes”). La frappe du sensationnel batteur Utrillo Kushner (un disciple enfumé de Ginger Baker) n’y est pas pour rien dans cette perte de repères. La section rythmique, soudée dans un bloc inextriquable, avance sans jamais faillir : “Sour Smoke”, sommet du disque avec ses percussions démoniaques, aspire à devenir un accompagnement pour rites sataniques, un post-rock de l’ère Cro Magnon, dirons-nous.

Toujours dans son domaine de prédilection Avatar explore d’autres variantes. La tempête de feedback érigée sur les épopées précédentes laisse dorénavant un peu de place à un piano. Ainsi, la ballade « Lucifer’s Memory » surprend par ses harmonies vocales douces, plutôt inhabituelles, qui pourraient rappeler une ballade hard-rock de Procol Harum.

Oui, toujours de drôles d’influences, mais quelle allure !

– Le site de Comets on Fire.

– Lire également la chronique de Blue cathedral.